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Parler ou ne pas parler, telle est la question ! Elle ne se pose pas quand vous avez des actualités positives à mettre en avant : nouveau produit, levée de fonds, recrutement d’un profil qualifié… Les communiqués se rédigent (presque) tout seuls et les publications presse s’enchaînent. Mais lorsque les choses se gâtent, rares sont celles et ceux qui choisissent d’en faire étalage.
Les difficultés font pourtant partie de la vie d’une startup. Abandon d’une fonctionnalité, fermeture d’un bureau à l’international, déboires judiciaires avec un concurrent, voire licenciements ou redressement judiciaire : le chemin de la réussite est semé d’embûches. Et celui de la gloire comporte également sa part d’ombre, qu’il est parfois pertinent de mettre en lumière.
Vos premiers interlocuteurs : vos collaborateurs
En période délicate, la communication est un art qu’il est d’autant plus important de maîtriser. D’abord en interne. “Chaque cas est différent, préviennent Gaëlle Legris et Marianne Felce-Dachez, cofondatrices de l’agence de communication Léon. Mais la priorité doit toujours être donnée aux collaborateurs. La communication interne et externe ne doit pas se faire ni dans la même temporalité ni avec le même degré de transparence.” Communiquez oui mais pas auprès de n’importe qui. D’abord à ceux qui vous ont toujours suivi·e, soutenu·e, ceux qui constituent – ou doivent constituer – votre premier cercle : vos salariés.
Convenons que l’exercice relève du funambulisme : vous ne devez pas affoler les équipes mais ne pouvez pas non plus prendre le risque qu’elles aient vent d’un trou d’air par quelqu’un d’autre que vous. Néanmoins, partager avec eux vos difficultés – collectives, qui plus est – ne signifie pas partager vos doutes. Vous restez maître à bord et c’est plus que jamais le moment de montrer la voie à vos collaborateurs. Evoquez les solutions auxquelles vous avez pensé, les pistes que vous avez choisi de suivre. C’est aussi grâce à cela que vous (re)nouerez un lien de confiance. Et que vos salarié·e·s deviendront vos premiers avocats.
Parler ou ne pas parler à la presse ?
Restent les journalistes. Dans un premier temps se pose la question de votre parole. Devez-vous vraiment vous faire l’écho de vos difficultés alors qu’il serait si facile de simplement vous faire oublier (et vos problèmes avec) ? “Beaucoup d’entrepreneurs ont le réflexe de tailler dans les budgets communication lorsque leur entreprise va mal, constatent les fondatrices de l’agence Léon. Ils ne prennent plus la parole pendant un certain temps… mais cela nourrit le doute.” Certains journalistes ont la particularité d’avoir une mémoire d’éléphant couplée à un flair de chien de chasse. Difficile de rester incognito trop longtemps dans ces conditions. “Il faut se rappeler ce que signifie le terme de relations presse, indiquent Gaëlle Legris et Marianne Felce-Dachez. Une relation, c’est un lien qui ne perdure pas seulement lorsque tout va bien. Il faut accepter de se rendre disponible, de répondre aux questions aussi lorsque l’entreprise va moins bien.”
Si vous avez des investisseurs, c’est le moment d’en discuter avec eux. “Certains partenaires financiers peuvent choisir de bloquer la communication”, évoque Prescillia Fontenay, fondatrice du média Outjo, spécialisé dans la communication des startups. Acceptez les conseils des uns et des autres, n’allez pas au conflit : inutile d’ajouter de la difficulté à une période déjà compliquée à gérer. Gardez à l’esprit que c’est dans l’intérêt de tous que vous vous sortiez de cette mauvaise passe. Mais n’hésitez pas à mettre en perspective des positions parfois radicales en matière de communication avec des points de vue d’experts : votre chargé·e de communication ou votre agence de communication constituent des ressources précieuses pour vous accompagner dans votre stratégie de communication. Et ne pensez pas déléguer la basse besogne à votre responsable marketing : en cas de gros temps, c’est au capitaine de tenir la barre.
Bien choisir son moyen de communication
Vous avez donc décidé de vous exprimer, très bien ! Mais par quel biais ? Du post Medium au communiqué de presse en passant par les réseaux sociaux, les moyens de communication ont été démultipliés ces dernières années. “La personnalité des fondateurs joue beaucoup”, reconnaît Prescillia Fontenay. Quelqu’un qui a une certaine facilité à échanger préférera rencontrer des journalistes, tandis qu’un communiqué satisfera les entrepreneur·e·s qui souhaitent cantonner leur communication à la partie congrue.
A vous de trouver le moyen qui vous correspond, tout en gardant en tête que la meilleure défense, c’est l’attaque. “Il ne faut pas attendre que les questions soient posées, il faut être dans l’échange, conseillent Gaëlle Legris et Marianne Felce-Dachez. Cela permet de désamorcer les choses, d’autant que l’écosystème est aujourd’hui plus mature sur le sujet de l’échec.” Tournez-vous vers des journalistes avec lesquels vous avez noué des liens privilégiés tout au long de votre aventure entrepreneuriale, aussi courte soit-elle. Ils et elles connaissent l’entreprise, son histoire et son activité et seront ainsi plus à même de remettre en perspective votre coup de mou. De votre côté, vous serez plus à l’aise de dévoiler ces éléments à des interlocuteurs en qui vous avez une certaine confiance.
Attention tout de même, la limite est ténue entre garder le contrôle de votre communication et provoquer un effet Streisand, c’est-à-dire donner de l’importance à ce que vous souhaitez justement ne pas ébruiter. C’est là que le choix du média utilisé peut se révéler déterminante. Lorsque Nicolas Gueugnier, le fondateur de Big Moustache, publie en 2016 sur son profil LinkedIn un post dans lequel il dit être au bord de la liquidation, il parle en son nom propre. C’est notamment cela qui a contribué à la viralité de son message d’entrepreneur “lessivé” – entendu par un investisseur providentiel. A contrario, lorsque Wynd diffuse à toutes les rédactions un communiqué de presse annonçant que l’entreprise porte plainte contre une publication qui a mis en ligne plusieurs articles que l’entreprise juge diffamatoires, c’est une caisse de résonance pour ces articles jusqu’alors restés sous le radar de nombreux médias.
Avoir un objectif précis en tête
Avant de lancer votre tournée des popotes, faites le point sur ce que vous voulez dire (et ne pas dire). Les médias ne sont pas une succursale du bureau des plaintes ! Dans une période critique, cantonnez-vous à trois actions majeures : expliquer, informer et esquisser des solutions. Dans un premier temps, expliciter les causes de la crise peut être une étape nécessaire, notamment si des rumeurs ont déjà circulé concernant la situation de votre entreprise. Cela vous permettra de présenter une version “officielle” et de couper court aux spéculations.
Dans un second temps, posez-vous la question de savoir à qui vous souhaitez vous adresser en priorité pour définir le type d’informations à divulguer. Si vous avez une activité B2C, vos consommateurs attendent sûrement d’être rassurés sur la poursuite de l’activité, le fait d’assurer les commandes déjà passées et la possibilité de continuer à commander. Un relai médiatique peut vous aider à répondre à leurs interrogations mais prenez garde à ne pas leur vendre du rêve si vous n’êtes pas en mesure de tenir vos promesses. Rien n’est pire qu’une startup qui leurre ses clients !
Dans le même temps, communiquer sur vos difficultés alertera forcément les acteurs de l’écosystème startup. Avec cet effet paradoxal de mobiliser d’éventuels repreneurs mais d’effrayer des clients, partenaires ou investisseurs potentiels. C’est pour cela qu’il est d’autant plus important de communiquer également sur les solutions envisagées – ce qui implique de prendre la parole tant qu’il est encore temps ! Votre mobilisation peut forcer le destin. A vous de savoir doser entre l’urgence que votre situation impose et le temps à prendre pour qu’une sortie de crise se dessine.
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