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Dans une pièce encombrée de machines bruyantes, deux ingénieurs observent à travers un hublot cinq petits monticules qui rougeoient dans un four à mille degrés: il leur faudra entre trois et six semaines pour devenir diamants, alors que la moyenne d’âge des gemmes formées sous terre est d’un milliard d’années. « Le diamant, ce n’est que du carbone. On crée donc les conditions pour que ce carbone se dépose atome par atome, et les diamants poussent comme des gâteaux!« , résume à l’AFP Alix Gicquel, 64 ans, présidente de la société Diam Concept, hébergée dans un laboratoire du CNRS à l’université Paris 13.
Une technique unique en France
Cette chercheuse a 30 ans de travaux derrière elle: en 1987, lors d’une conférence au Japon, elle découvre qu’on peut créer des diamants grâce au « plasma » – ce quatrième état de la matière avec le solide, le liquide et le gazeux, qui est justement son sujet d’études. « En 1990, j’ai monté au CNRS une équipe de recherche et on a rapidement fait du diamant pour des applications scientifiques. Mais le vrai défi a été d’arriver à fabriquer des pierres les plus blanches possibles, et suffisamment épaisses pour être utilisées en joaillerie« , explique Alix Gicquel. Elle fait rouler dans sa main une pierre orangée qui chatoie au soleil : »c’est une de mes préférées, elle fait 2,38 carats. On produit du diamant blanc mais on peut le colorer en ajoutant de l’azote« .
La technique utilisée par Diam Concept consiste à placer des lamelles de diamant dans un « réacteur », sorte de four à micro-ondes où sont introduits hydrogène et méthane qui, à très haute température, font cristalliser couche par couche les atomes de carbone, jusqu’à former un diamant brut. L’entreprise se présente comme la seule en France à créer des diamants de laboratoire pour la joaillerie. Des sociétés américaines, russes ou chinoises produisent déjà en quantité des pierres de synthèse, dont les prix sont inférieurs de 30 à 40% aux diamants miniers.
« Les diamants du futur »
Pour Alix Gicquel, cela ne fait aucun doute: « le diamant de laboratoire est une lame de fond, ça va exploser« . Dans les bijouteries françaises, ces gemmes restent encore confidentielles, même si l’enseigne grand public Maty a lancé l’an dernier une collection en diamants synthétiques. « En 2018, 6% des solitaires de plus de 0,3 carat vendus en France étaient de synthèse. Mais pour le marché du bijou en diamant dans son ensemble, cette proportion est inférieure à 0,5%. On part de très bas« , précise Hubert Lapipe, directeur général de la Société 5 qui fournit des données pour le rapport annuel du secteur horlogerie-bijouterie. Diam Concept, qui devrait vendre une centaine de diamants en 2019, estime avoir suffisamment stabilisé son processus pour intensifier sa production: l’équipe de cinq personnes s’apprête à rejoindre le centre d’innovation du groupe Air Liquide. « On va multiplier les +réacteurs+, faire de plus grosses fournées et s’équiper d’un laser pour tailler nous-mêmes les pierres. On a déjà décroché pas mal de subventions et on prépare une importante levée de fonds« , s’enthousiasme Alix Gicquel. Elle a hâte de pouvoir répondre à la demande: « on a des appels du monde entier, de joailliers, grossistes et particuliers. Pour l’instant tous les diamants sont réservés, mais c’est clair qu’on a déjà nos futurs clients!« .
Son discours est loin de ravir les groupes miniers, qui devant cette nouvelle concurrence ont investi cette année pas moins de 60 millions d’euros en communication pour promouvoir le caractère « unique » des pierres extraites de la terre. « Nous faisons du diamant, point. Avec les mêmes propriétés que les leurs, l’éthique en plus, et avec un faible impact carbone« , met en avant Alix Gicquel. « Je ne suis pas en guerre contre les diamants des mines, mais pour moi ce sont les diamants du passé, et nos diamants sont ceux du futur« , résume la chercheuse dont les mains sont ornées de deux bagues, l’une en diamants naturels, l’autre sertie d’un diamant de laboratoire.
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