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Présidente du directoire d’Aviva Investors France, Inès de Dinechin dirige une société de gestion qui gère 109 milliards d’euros d’actifs. Elle a réalisé l’intégralité de son parcours dans le secteur financier où elle s’est fait une place de premier ordre, dans un domaine où les femmes sont plus que minoritaires. Elle défend également avec conviction une vision responsable de l’investissement.
Pouvez-vous d’abord préciser le rôle d’Aviva Investors ?
Inès de Dinechin : Nous sommes une société de gestion pour compte de tiers. Nos deux missions principales sont tout d’abord d’avoir des experts qui connaissent les classes d’actifs sur lesquelles investir et qui utilisent leur expertise pour faire fructifier au mieux les sommes qui nous sont confiées. Ensuite, il s’agit de collecter des fonds. En somme : réunir des investisseurs et placer leur argent au mieux en fonction de leur profil et de leurs contraintes.
Cela représente, en tout pour Aviva Investors, plus de 400 milliards d’euros d’actifs gérés dans le monde…
I.d.d. : Aviva Investors en effet gère près de 400 milliards d’euros d’actifs dans le monde. La société de gestion française, la plate-forme euro du groupe, représente un peu plus de 25 % des encours, soit 109 milliards d’euros. Notre expertise permet de répondre aux besoins de nos clients pour leurs placements, que ce soit à travers des actifs cotés, comme des actions ou des obligations, ou des actifs moins liquides comme l’immobilier ou « les prêts à l’économie réelle » comme on les nomme aujourd’hui.
Nous avons développé ces dernières années en ce sens une expertise sur des actifs dits « alternatifs », comme les dettes privées des entreprises ou le financement des infrastructures. Nous avons une expertise particulière sur les obligations dans la mesure où nous sommes une filiale d’un groupe d’assurance, et qu’une partie importante du bilan des assureurs est investie sur les marchés obligataires. Dans le cadre de la gestion d’actions, nous investissons sur tout le spectre de l’économie, depuis les très grandes entreprises, dans le cadre de fonds comme Aviva Actions Euro ou Aviva Grandes Marques, jusqu’à des entreprises de plus petite taille à travers des fonds spécialisés. Promoteurs d’un actionnariat engagé, nous votons activement lors des assemblées générales des sociétés que nous détenons en portefeuille, soit 54 335 résolutions en 2018.
Vous avez fait toute votre carrière dans la finance, une grande partie à la Société générale : quelle sont les principales différences entre la banque et Aviva ?
I.D.D. : Je pense que la caractéristique qui sépare principalement la banque et Aviva relève d’une différence d’ADN et de métiers entre un monde bancaire et un monde assurantiel. Une banque est un acteur tourné en particulier vers l’accompagnement des entreprises ou des individus qui ont des besoins de financement. Alors qu’une société d’assurance spécialisée en assurance-vie et gestion est chargée de servir les besoins des investisseurs. L’optique n’est donc pas la même.
Qu’est-ce que ça a pu changer dans votre façon de travailler ?
I.D.D. : Pendant des années, j’ai travaillé sur les marchés financiers. J’appartenais à des équipes qui concevaient des produits financiers. Ces produits sont la matière première de l’investissement. Quand je suis passée en asset management, je suis devenue utilisatrice des produits que je vendais initialement. Je suis désormais sur un autre maillon de la chaine de financement de l’économie.
Quelle relation spécifique entretient un assureur avec la gestion d’actifs ?
I.D.D. : La vocation de l’assurance est de protéger ses clients contre les risques de la vie courante, avec l’assurance habitation, l’assurance auto entre autres, mais c’est aussi la gestion patrimoniale, l’épargne, la gestion de la retraite à travers notamment l’assurance-vie. Cet accompagnement de l’épargne des clients est intégré depuis très longtemps dans les métiers de l’assurance et se fait via la gestion d’actifs.
Pourquoi avoir choisi la finance comme carrière ?
I.D.D. : Il y a deux raisons majeures. La première est conjoncturelle. J’ai fait des études à la fin des années 80, un moment fort du développement du secteur financier et de la financiarisation de l’économie. La finance hier était le digital d’aujourd’hui, un secteur très novateur. J’avais envie de participer aux débuts de cette nouvelle dynamique. La seconde raison, c’était mon intérêt pour une industrie qui touche à la fois l’économie réelle et qui crée de la valeur entre des acteurs qui ont des idées et cherchent des financements et des acteurs qui ont de l’argent mais ne savent pas nécessairement comment l’investir.
Les femmes sont rares dans ce milieu…
I.D.D. : J’ai fait des études à Dauphine et à Sciences-Po avec un focus finance de marchés, et nous n’étions en effet pas nombreuses. Mais nous l’étions encore moins dans les salles de marché.
Avez-vous rencontré des difficultés et des obstacles en tant que femme ?
I.D.D. : Je ne dirais pas que j’ai rencontré des difficultés mais c’était un monde compliqué à lire. Il y avait une dynamique très virile dans les salles de marché, où tout va très vite, où tout évoque la puissance. C’est un monde où il faut savoir s’imposer. Par exemple, le niveau sonore d’une salle de marché est extrêmement élevé et il n’est pas attendu d’une femme qu’elle s’exprime ainsi. De plus, en tant que femme, il était parfois difficile de voir ses performances reconnues. Je n’ai jamais été regardée comme un ovni, mais dans la dynamique collective, c’était parfois compliqué de trouver sa place. Un exemple : les « morning meetings », réunions tous les matins à 8 h. Quand vous êtes une femme et que vous devez déposer les enfants à l’école, la réunion imposée du matin, c’est difficile à gérer…
Vous donnez une grande importance aux critères ESG (environnement, social et gouvernance) pour l’investissement responsable…
I.D.D. : Il est dans l’ADN de notre maison d’avoir de tels critères, car les trois piliers que constituent l’ESG sont des éléments importants pour l’investissement de long terme et la maîtrise des risques. Aviva et Aviva Investors se sont positionnés de longue date comme des acteurs de premier plan, notamment en cherchant à orienter les actions publiques dans un processus vertueux, tant envers ses clients que ses employés, que la société ou l’environnement, elle n’en sera que plus performante sur le long terme.
Est-ce que vous pensez que les gestionnaires d’actifs, avec les critères ESG, s’approprient une mode ? Ou ont-ils vraiment un rôle moteur à jouer ?
I.D.D. : Les investisseurs ont un rôle primordial à jouer. Il ne s’agit absolument pas d’un phénomène de mode. Je crois que les critères extra-financiers ont été un peu trop mis de côté ces dernières années, avec une approche très financière et court-termiste. Les critères ESG poussent à un retour de la finance vers le bon sens et une vision à plus long terme. Nous jouons des rôles clés dans ce domaine : celui d’accompagner les investisseurs finaux, de les éduquer à l’investissement durable ; celui aussi d’influencer les entreprises dans lesquelles nous investissons pour qu’elles adoptent de bonnes pratiques ; enfin celui d’être présents dans les débats avec les pouvoir publics avant qu’ils prennent leurs décisions et établissent les réglementations.
Comment faire pour que ces critères ESG aient autant de poids que l’impératif de rentabilité qui régit la gestion d’actifs ?
I.D.D. : Notre métier c’est d’investir, donc de faire fructifier un capital, donner une contrepartie à des investisseurs qui prennent un risque. J’opposerais plutôt la recherche de rendements à long terme à la recherche de rendements à court terme. L’impératif de rentabilité et l’ESG ne s’opposent pas, au contraire, les critères ESG favorisent la performance de long terme, notamment par une meilleure maîtrise des risques. C’est une façon pour nous d’aiguiller les investisseurs vers les bonnes pratiques d’investissement.
Dans une tribune des Echos, vous avez fait à ce sujet une distinction entre « activistes » de « première et de seconde génération ». Qu’entendez-vous par là ?
I.D.D. : Les activistes de première génération sont des investisseurs qui poussent les entreprises à changer avec des méthodes parfois violentes. Leur influence s’appuie généralement sur une opposition au fonctionnement existant avec souvent une recherche de profit à court terme. Ces investisseurs sont peu nombreux mais très vocaux. Les activistes de seconde génération sont des investisseurs qui ont pendant longtemps été passifs. Désormais, ils deviennent actifs en interagissant davantage avec les entreprises dans lesquelles ils investissent. Ils ont une vision de long terme : ils accompagnent le changement plutôt que de le forcer.
Vous prônez aussi une éducation financière auprès des Français. Pourquoi ?
I.D.D. : Depuis l’après-guerre, nous avons eu beaucoup de chance. De nombreux aspects de la vie de l’individu ont été pris en charge par l’État : l’éducation des enfants, la santé, la retraite. Aujourd’hui, la capacité du système à tout prendre en charge s’amenuise : on voit bien que les moyens sont en train de s’assécher. Le premier problème qui se présente à nous est le financement de la retraite. Désormais, il va falloir nous en préoccuper et en partie la préparer nous mêmes. Afin d’être autonomes et responsables de notre avenir, il faut avoir une bonne connaissance des enjeux financiers. En tant qu’expert du sujet, il est de notre responsabilité de donner à chacun les connaissances nécessaires pour se prendre en charge.
Vous proposez une démarche individuelle. Mais l’autre solution à laquelle on ne pense plus, parce qu’on entend tout le temps que l’État n’est plus capable de rien, c’est la réappropriation collective du financement de la santé, des retraites…
I.D.D. : Oui, mais pour financer, il faut produire de la richesse…
On en crée de la richesse…
I.D.D. : En effet, mais pas assez pour résoudre le problème actuel.
N’est-ce pas plutôt qu’on ne récupère pas assez ?
I.D.D. : (Rires) Notre système est un des plus taxés. Et malgré cela, la prise en charge reste insuffisante. Je ne suis pas convaincue que la solution soit de continuer à taxer davantage. J’espère que le système sera en mesure de continuer à financer la retraite et la santé, mais actuellement, les doutes sont permis. L’individu doit donc se préparer à prendre en charge une partie au moins de son avenir financier. Son éducation est donc primordiale.
Bio express
• Diplômée de l’université Paris-Dauphine (1989) et de Sciences-Po (1990)
• Carrière à la Société générale (1991-2011)
• CEO de Lyxor Asset Management (2012-2014)
• Administrateur de Euronext UK Ltd (depuis 2014)
• CEO d’Aviva Investors France (depuis 2016)
Par Maurice Midena
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