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Article initialement publié en avril 2018
En mars 2018, les amateurs de clips sur YouTube ont eu la désagréable surprise de voir leurs vidéos entrecoupées de pubs intempestives. Le but affiché du site : vous convaincre de souscrire un abonnement payant à son service de streaming, YouTube Red. Mais après des années de diffusion gratuite, même le plus gros diffuseur mondial de musique n’est pas sûr d’y arriver. Pourquoi souscrire un abonnement media quand on a accès librement aux articles de 20 Minutes ou du Parisien ? Pourquoi payer des cours de code quand on dispose de centaines de tutoriels en libre accès ? Pourquoi rémunérer une agence de design pour inventer son nouveau logo alors qu’il suffit de faire appel à la communauté des internautes ? Résultat : lorsqu’une startup a l’audace de demander une petite participation à l’utilisateur, elle s’expose tout simplement à la faillite.
Beaucoup d’internautes ne comprennent pas que pour diffuser des films et séries sur un service de vidéo à la demande, il faut qu’on paye des droits, soupire Tonjé Bakang.
Le fondateur de la plateforme de vidéos Afrostream, spécialisée dans les films et séries africaines ou afro-américaine, témoigne de l’échec de son aventure sur le site Medium. « Nos fans considèrent que le contenu est gratuit puisque qu’il se trouve également sur des sites de streaming illégaux qui monétisent leur piratage grâce à la publicité. Mais c’est bien la nature illégale de ces sites internet qui leur permet d’avoir un large catalogue qu’ils mettent gratuitement à disposition », déplore-t-il.
« Les clients ont pris l’habitude d’avoir la livraison gratuite »
Une difficulté partagée par de nombreux entrepreneurs. « En France, tous les e-commerçants se sont alignés sur Amazon », déplore Louise Eggrickx, fondatrice de l’ex-startup Picorist, un concept de box d’encas sains livrés à domicile ou au bureau. « Du coup les clients ont pris l’habitude d’avoir la livraison gratuite et ils ne comprennent pas pourquoi ils devraient payer quatre euros de plus pour une box qui en vaut quinze ». Même mésaventure pour Alexandre Hanot, avec sa startup de covoiturage entre étudiants Shotgun. Son site internet, au départ monté « juste pour voir », a rencontré un tel succès que le jeune entrepreneur a décidé de le transformer en vraie entreprise. Après avoir lâché ses études et passé huit mois à développer un nouveau site payant et une application, il a dû se rendre à l’évidence : « payer une commission de 30% sur un trajet à trois euros, c’était beaucoup trop dissuasif pour nos utilisateurs. Et de notre côté, on devait payer 15 centimes de frais pour chaque euro dépensé sur la plateforme auprès des services bancaires ». Intenable : il a abandonné sa startup au bout de quelques mois.
Car derrière un service apparement « gratuit » se cachent souvent des frais élevés. Il y a les salariés à rémunérer, l’interface technique à développer, la logistique, des locaux à louer…
Pour l’année de lancement du service de streaming d’Afrostream, le besoin de financement pour le contenu et la technologie et frais de fonctionnement, s’élevait à 3,6 millions d’euros, calcule Tonjé Bakang. Pour amortir ce budget, il faut environ 44 000 abonnés payant un abonnement à 7 euros par mois pendant 12 mois sans interruption, détaille-t-il. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que contrairement à ce que je pensais, Afrostream n’était pas une startup mais un média avec des besoins de financement liés à l’industrie audiovisuelle
Le pire pour nos startups si inventives, c’est que lorsqu’elles offrent un service à vraie valeur ajoutée, l’internaute ne voit souvent pas la différence avec le gratuit bas de gamme ou bourré de pubs. Voire il s’en fiche. Avec une qualité de son trois fois plus élevée qu’un CD, la plateforme de streaming en ligne Qobuz peine ainsi à exister à côté de Spotify et ses fichiers mp3. La startup visait le million d’abonnés, elle en était péniblement à 25 000 fin 2015, selon les derniers chiffres communiqués.
Le casse-tête du paiement en ligne
Le passage au payant ne constitue pas seulement une barrière psychologique mais aussi technique, comme peut en témoigner Bertrand Boullay, fondateur de Where is my Mat en 2015. Sa plateforme de mise en relation entre profs de yoga et étudiants a rencontré un certain succès, mais lorsqu’il s’est agi de faire payer une commission aux profs, les choses se sont corsées. « Quand un cours était annulé, il fallait les rembourser, ainsi que rembourser les frais bancaires avec des taux de commission différents en fonction des plateformes de paiement, et des législations sur la TVA différente en fonction des pays, c’est devenu beaucoup trop complexe », avoue-t-il. L’ajout d’un module de paiement est aussi un véritable frein psychologique : là où suffit d’un simple clic pour réserver un cours gratuitement, l’internaute doit passer par différentes étapes et sortir sa carte bleue même pour une somme modique. Sans compter les frais supplémentaires pour le site. Une banque va ainsi demander un abonnement mensuel au service plus une commission sur chaque transaction (généralement entre 0,5% et 1,5%). Des intermédiaires comme PayZen ou PayLib sont moins chers, mais cela peut quand même représenter un coût important pour une startup qui peine à décoller.
Les investisseurs obnubilés les profits
Si les startups françaises ont du mal à survivre en mode gratuit, c’est d’abord parce qu’elles sont confrontées à des mastodontes aux reins solides, soutenus par des investisseurs prêts à perdre de l’argent pendant de longues années. Après neuf ans d’existence, Uber affiche toujours des pertes colossales, mais continue à casser ses prix pour s’imposer. Amazon lui-même a très longtemps été déficitaire, donnant la priorité aux prix bas. En France, le marché est non seulement plus petit, mais les investisseurs ont aussi les poches moins remplies. Quand ils ne sont pas carrément radins et obsédés par le court terme. « Chez les anglo-saxons, on vous demande d’abord de développer une plateforme qui marche et qui génère du trafic, expose Alexandre Hanot. En France, c’est “D’abord on vend, après on fait un truc” : il faut immédiatement prouver que vous pouvez générer du cash », déplore-t-il. Avec cette anecdote qui en dit long :
Dans l’incubateur où j’étais, mon site était celui qui générait le plus de trafic mais comme ça ne rapportait rien, personne ne s’y intéressait. La star, c’était un type qui lançait un resto, parce que lui gagnait un peu d’argent
Pourtant, si votre idée est géniale et que tout le monde l’utilise, « vous trouverez forcément un moyen de le rentabiliser après », veut-il croire.
La porte de sortie : donner l’illusion du gratuit
Heureusement, il existe quand même des pistes pour tirer son épingle du jeu. Le freemium, par exemple, donne l’illusion du gratuit tout en se rémunérant sur des « bonus ». Une technique notamment adoptée par la plupart des jeux en ligne, qui vous permettent d’acheter des vies supplémentaires ou des outils pour progresser plus vite. À tel point que ces jeux sur smartphone génèrent désormais 3,6 fois plus d’argent que ceux sur console, qui sont pourtant payants ! Modèle économique également adopté par les sites de P2P comme LeBonCoin, où la moindre mise en avant est facturée 30 euros.
Autre possibilité : faire payer son service par quelqu’un d’autre que le consommateur. C’est la solution des sites de comparatifs comme MisterFly ou Liligo, qui prennent une commission sur l’opérateur du trajet retenu. Alexandre Hanot, lui aussi, s’est résolu à s’y mettre : « Plutôt que de faire payer les utilisateurs, on va vendre notre licence aux écoles, aux entreprises ou aux lieus desservis, comme les stades de foot ou de concert », prévoit-il. De quoi reprendre pied en attendant que l’internaute se rende compte qu’au final, c’est quand même lui qui finira par payer d’une façon ou d’une autre.
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