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Republication du 6 novembre 2018
C’est une destination de rêve. Sur le papier, en tout cas : du soleil, des plages et un rythme de vie bien éloigné de la fureur parisienne. À Lisbonne, la vie est suffisamment douce pour attirer de plus en plus d’entrepreneurs et de freelances français. Mais pour combien de temps ? Deux ans après l’arrivée du Web Summit dans la capitale portugaise, l’eldorado semble avoir déjà perdu de son éclat, et la massification de l’expatriation pourrait bien en laisser certains sur le carreau.
Un climat favorable aux entreprises…
Disons-le tout de suite : le Portugal, et Lisbonne en particulier, ont su instaurer un climat favorable aux entrepreneurs, notamment étrangers. D’abord grâce à une économie en pleine croissance (+2,7% en 2017, contre 1,8% pour la France) et un chômage qui ne cesse de baisser, s’étant établi fin août à 6,8% de la population active (contre 9,3% dans l’Hexagone). Des statistiques qui font rêver nombre de politiques mais aussi les chefs d’entreprise, qui trouvent au Portugal une certaine effervescence bonne pour les affaires.
C’est d’autant plus vrai que depuis plusieurs années, les gouvernements successifs ont eu à coeur de flexibiliser le marché du travail, doper la création d’entreprises et attirer les investisseurs étrangers. Alors qu’en 2011, le pays était en pleine crise, il a commencé par appliquer le programme d’ajustement structurel exigé par Bruxelles pour sortir de l’ornière avant de s’affranchir de la tutelle européenne il y a trois ans. En ont résulté plusieurs dispositions emblématiques, comme la création du dispositif Empresa Na Hora, en 2013, qui permet de créer son entreprise en seulement… 36 minutes.
Côté financement, l’accent a été porté sur l’innovation avec la création en 2016 d’un fonds de financement de l’innovation de 200 millions d’euros. Mais surtout la mise en avant de deux dispositifs fiscaux, Portugal 2020 et le Sifide, destinés à attirer les étrangers aisés avec l’idée qu’ils fassent ruisseler leur richesse sur les sociétés implantées localement. Lisbonne a même son Investment Summit, qui doit permettre aux startups et aux investisseurs de se rencontrer pour déboucher sur des opérations sonnantes et trébuchantes.
… et plus particulièrement aux startups
Exit les clichés sur les secteurs du bâtiment ou du tourisme, les jeunes entreprises technologiques se sont fait une place au soleil. L’écosystème portugais se structure, avec Lisbonne en chef de file. Ouvert en 2012, l’incubateur lisboète emblématique Startup Lisboa fait aujourd’hui figure de fossile tant le paysage des structures d’accompagnement se modifie de jour en jour. La capitale portugaise compte désormais quelque 80 incubateurs, accélérateurs et espaces de coworking. Dernier projet en date : le Beato Creative Hub, sorte de Station F local de 35 000 mètres carrés, censé créer 3000 emplois dès l’année prochaine.
Autre témoin de la hype qui entoure Lisbonne, la décision, annoncée il y a quelques semaines, du Web Summit d’y poser ses valises pour les dix prochaines années. L’événement majeur de la Tech européenne avait débarqué dans la capitale portugaise en 2016 et envisageait de s’envoler vers d’autres cieux dès l’année prochaine. Lisbonne a finalement réussi, en échange d’un contrat à 110 millions d’euros et la promesse d’un agrandissement de l’Altice Arena qui abrite l’événement, à conserver cette vitrine tapageuse d’un écosystème bouillonnant.
Mais des clichés illusoires…
Lisbonne est donc devenue une destination prisée des entrepreneurs français, qui viennent y trouver un cadre de vie enchanteur et un bouillon de culture entrepreneuriale dont ils aspirent à s’imprégner. Certaines entreprises comme Seeqle ou Les Cartons choisissent de localiser tout ou partie de leur équipe dans la capitale portugaise. Et de nombreux entrepreneurs débarquent dans la ville plein de rêves à concrétiser. Mais certains clichés qui perdurent sur le Portugal et l’économie locale peuvent se révéler être de véritables mauvaises surprises à l’arrivée pour ceux qui auraient fait du pays un eldorado.
Il en va ainsi des salaires locaux. Avec un salaire minimum porté cette année à 580 euros mensuels par le gouvernement, certains entrepreneurs espèrent faire prospérer leur startup grâce à des embauches à bas coût et ainsi limiter leurs coûts fixes. « Le coût de la vie à Lisbonne est pratiquement deux fois moins cher que celui de Paris, expliquait en 2017 Jean-Eudes Yahouedeou, CMO de Seeqle, à nos confrères des Échos. Ça nous a permis de faire des économies au niveau des locaux et des salaires. On a pu réduire les salaires tout en permettant à nos collaborateurs d’avoir une qualité de vie agréable. »
Sauf que la startup a sauté le pas… en 2016. Et ce qui était valable il y a deux ans ne l’est plus forcément aujourd’hui. « C’est complètement irréaliste, soupire Manon Le Padellec, fondatrice de la startup Les Cartons et installée à Lisbonne depuis 2015. Beaucoup de talents portugais de la Tech sont partis travailler à l’étranger au moment de la crise et savent parfaitement quels salaires se pratiquent en France ou au Royaume-Uni. Lorsqu’ils reviennent au Portugal, ils alignent donc leurs exigences sur les salaires étrangers. »
… et des prix qui s’envolent
Autre motif de déception pour ceux qui auraient cryogénisé Lisbonne sous forme de carte postale : le coût de la vie qui tend à augmenter. Certes, les articles d’habillement, les services de restauration ou les produits alimentaires restent entre 15 et 30% moins chers qu’en France. Mais, bien que l’inflation reste pour l’instant limitée autour de 1%, la massification de l’arrivée d’expatriés encourage les commerçants à faire grimper les prix.
Symbole de ce décalage entre storytelling et réalité, le secteur de l’immobilier qui concentre toutes les frustrations. Sous l’effet combiné de l’arrivée des retraités et expatriés étrangers mais aussi l’essor d’Airbnb dans la capitale portugaise, les loyers grimpent en flèchent. « Quand je suis arrivée, il y a trois ans, on trouvait des 45m2 à moins de 600 euros, se rappelle Manon Le Padellec. Aujourd’hui, c’est difficile d’en trouver dans le centre à moins de 900 euros. » Des prix qui n’ont pas encore atteint les plafonds parisiens mais qui s’en rapprochent doucement.
De quoi ternir la réputation et l’attractivité de Lisbonne ? Pas pour l’instant. Mais cela doit rappeler à ceux qui s’apprêteraient à faire le grand saut qu’un projet viable est avant tout un projet qui a été mûrement réfléchi en amont et qui ne doit pas être entièrement basé sur des facteurs exogènes, à l’instar de coûts fixes (salaires, loyer…) qui peuvent augmenter rapidement et sur lesquels aucune prise n’est possible. Quant à la capitale portugaise, elle préserve pour l’instant ses charmes… jusqu’à l’émergence d’un nouvel eldorado de la Tech, par exemple en Europe de l’Est ?
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