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Pub, promo, prix ou produit ? Sur quelle partie du mix jouer pour gagner des parts de marché en 2019, alors que le digital et la RSE changent la donne.
Gagner des parts de marché, c’est le souhait d’une majorité d’entreprises. Mais comment ? En lançant une nouvelle campagne de marque ? En écrasant la concurrence avec une promotion imbattable ? En réalité, n’est-on pas en train de passer à côté de l’essentiel ? « Si, demain, une marque arrête de faire de la publicité et des promotions, elle continuera à réaliser sur le court terme un peu plus de 80% de son chiffre d’affaires. Cela est lié à la force de sa « baseline », soit son réseau de distribution, la visibilité de son offre et le fait que le consommateur se souvienne pourquoi il a acheté la marque par le passé. Il y a aussi l’effet des publicités précédentes de la marque, qui pèsent pour 10% au sein de ces 80% », explique Thierry Fontaine, directeur général de CSA Data Consulting (groupe Havas), spécialiste du marketing mix modeling et de l’attribution.
Chaque secteur a ses règles
Les marques en croissance valorisent alors cette « baseline » avec, toutefois, quelques nuances : « Les grandes variables sont le taux moyen de réachat du produit, si l’achat est impliquant ou non, c’est-à-dire s’il génère de l’émotion ou est engageant sur la durée, s’il est saisonnier ou non et s’il est ou non météo dépendant. Ainsi, les secteurs auto et high-tech sont impliquants, la vente de glaces sera avant tout saisonnière, tandis que celle de bouteilles d’eau dépendra de la météo. »
Des particularités qui impactent directement les stratégies. « L’importance de la baseline chez les opérateurs mobiles est, par exemple, plus faible, car c’est un marché de conquête où l’acquisition est privilégiée. » Il y a ainsi une prime à l’infidélité, changer d’opérateurs se révélant souvent plus bénéfique pour le client. Idem dans le secteur bancaire ? « Sur la partie crédit immobilier, qui détermine souvent la banque principale, nuance Thierry Fontaine. On recherche le taux plus que la marque. Le média et les campagnes corporate vont, néanmoins, avoir un rôle conséquent, le client allant généralement se renseigner auprès des trois banques qui sont pour lui « top of mind ». L’automobile est aussi dans ce schéma, et l’importance de la marque y est prépondérante, a fortiori maintenant que le prix est rendu moins lisible par le développement des offres en leasing », poursuit le spécialiste.
La météo va aussi avoir un rôle : « Quand il fait beau, les gens vont faire du shopping ; quand il fait moche, ils vont faire leurs courses de la semaine… » Alors que la grande distribution dépend énormément des habitudes de ses clients, notamment de sa proximité avec leur domicile, et mise donc sur les promotions pour attirer, les enseignes spécialisées restent souvent des lieux de destination, où priment la force de la marque et l’achat plaisir. Elles misent donc sur le développement de leur image via les médias pour créer le désir : « Les achats sont alors plus impliquants, et l’impact d’une campagne va être lié à l’engagement de la personne envers le secteur. »
Nouveaux enjeux, nouveaux acteurs
Mais, désormais, même les achats du quotidien deviennent impliquants : pub et promo ne sont alors rien sans le produit. « Les gens veulent du sens. En alimentaire, textile ou auto, au-delà du bénéfice fonctionnel individuel, c’est de plus en plus le bénéfice pour la collectivité qui compte », conclut Thierry Fontaine. De quoi changer la façon de s’adresser aux consommateurs.
« Nous aidons Rainett, un pionnier des produits d’entretien écologiques, à dépasser le produit et son aspect utilitaire, pour aller vers un lien plus émotionnel avec le consommateur. Le digital est en cela un puissant outil, puisqu’il nous permet de cibler précisément les personnes les plus réceptives à ces messages, tout en ayant un reach important grâce aux réseaux sociaux », indique Olivier Martin-Dupray, cofondateur d’Addiction Agency. Pour lui, le digital a aussi permis l’émergence de nouvelles marques autour d’un produit ou d’une promesse unique, « à l’image d’Asphalte ou de Sézane. Ces Digital Native Vertical Brands (DNVB) ont un lien direct avec les internautes / consommateurs, qui décident directement des volumes à produire. La marque prend moins de risques et, sans intermédiaire, elle a une meilleure maîtrise de son prix et de sa distribution, tout en pouvant être plus transparente dans ses process. À l’ère de Yuka, la transparence est plus différenciante que les prix et peut servir les marques, en témoignent celles qui mettent leur code-barres dans des carrousels sur Facebook en invitant les internautes à les scanner ! »
SEM / SEO pour être facile à trouver par le consommateur, réseaux sociaux et influence : nées en ligne, les DNVB profitent de la souplesse du digital pour se faire rapidement connaître. Elles jouent aussi sur les codes et les usages propres à Internet pour façonner leur image et leur expérience client. Olivier Martin-Dupray cite l’exemple de son client Cat’s Best, un service de livraison de litière pour chat sur abonnement : « C’est une offre sans engagement sur la durée, ce qui est un argument de poids auprès des millennials qui sont habitués à ce type de service. Par ailleurs, c’est un achat-corvée, et l’abonnement permet de soulager et de fidéliser les utilisateurs. Mais nos communications se basent moins sur cet aspect pratique que sur la relation émotionnelle qu’entretiennent les clients avec leur animal. Et sur les réseaux sociaux, le sujet des chats, c’est du pain béni pour nous ! »
Conquérir les coeurs et les marchés
Mêler émotion et praticité change le paradigme, selon Claude Chaffiotte, dg d’Accenture Interactive : « Aujourd’hui, ce sont les clients qui sont à la conquête de nouvelles marques, produits ou services, plutôt que l’inverse. Il y a une recherche de pertinence : dans notre étude Living Business, dévoilée fin 2018, 64 % des 23 000 personnes sondées indiquent être prêtes à abandonner une marque pour une proposition plus proche de leurs attentes. On ne peut plus décrire la conquête au travers du prisme cher à Kapferer, soit la satisfaction paresseuse et la peur du risque. Il suffit de voir EDF perdre 100 000 clients par mois pour s’en rendre compte. » Le directeur général insiste sur l’aspect tranverse de ces nouvelles attentes : « Nous parlons de « liquid expectation ». Tout doit être aussi simple aujourd’hui que de commander un Uber ou un produit sur Amazon, comme l’a fait remarquer, en 2015, Thomas Burbel, le dg d’Axa, lors de sa prise de fonction : Notre benchmark, c’est Amazon. » Et il en va de même en matière de CRM, de connaissance client, et de personnalisation de l’offre.
En ce sens, des acteurs comme Booking, puis Airbnb, ont totalement bouleversé le secteur du travel, quand les Birchbox, Dollar Shave Club ou Stitch Fix s’attaquent, eux, à la grande consommation. « Au-delà du fait d’être disruptés, le danger pour les acteurs installés – est celui de la commoditisation – soit le fait de perdre ce qui fait leur différence par rapport aux nouveaux entrants et de ne plus pouvoir se battre que sur le prix, qui, à mon avis, reste encore extrêmement important à l’heure où une partie de la population française, voire européenne, n’arrive pas à joindre les deux bouts. Le rapprochement entre Fnac et Darty ou le lancement d’une marketplace prend alors tout son sens : face à Amazon, Fnac ne cherche plus seulement à vendre des livres ou des CD auprès de nouveaux clients, mais va à la conquête de nouveaux marchés en proposant un univers cohérent. » Dans la même logique, et pour répondre aux attentes actuelles des consommateurs, l’innovation et le lancement de nouveaux produits ou de nouvelles offres restent incontournables, quel que soit le secteur.
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