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La Deutsche Bank n’a pas perdu de temps ce weekend. Ce dimanche 7 juillet, elle a annoncé la suppression de 18 000 emplois au niveau mondial, la fermeture définitive de son pôle de négociation d’actions et des coupes significatives de salaires fixes et dans ses activités boursières. Lundi 8 juillet, le processus était déjà en marche. Tandis que Londres et New York sommeillaient, ignorant tout de ce qui se préparait, la banque licenciait déjà des bureaux entiers à Sydney et Hong Kong.
L’hécatombe a continué tout au long de la journée. À Londres, des employés n’arrivaient au travail que pour se faire remettre des documents les informant formellement qu’ils « risquaient » d’être licenciés, avant d’être renvoyés chez eux. On pouvait apercevoir un flux constant de salariés quittant le siège de la Deutsche Bank à Londres, transportant des sacs et des boîtes contenant leurs effets personnels. D’autres se sont dirigés vers le pub pour noyer leur peine. Certains avaient les larmes aux yeux, d’autres étaient choqués et confus. Quelques employés ne prirent même pas la peine de se déplacer jusqu’à leur travail, arrivant à la juste conclusion que cela n’avait pas beaucoup d’intérêt après l’annonce de la veille.
À New York, le personnel fut convoqué à des réunions au cours desquelles il fut massivement congédié. En milieu de matinée, selon Business Insider, il y avait un flot continu de personnes quittant les bureaux.
Les perspectives pour nombre des employés licenciés sont plutôt sombres, notamment au Royaume-Uni, où l’incertitude du Brexit jette une ombre de taille. Mais ce n’est pas comme si quiconque en dehors du secteur de la finance y portait un quelconque intérêt. Les Britanniques n’ont pas oublié la crise financière de 2008. L’activité que la Deutsche Bank est en train de clore aujourd’hui est plus importante que l’usine automobile de Nissan à Sunderland, dont l’avenir incertain avait fait la une et déclenché des débats au Parlement britannique. Mais le chômage des banquiers d’investissement n’empêchera personne de dormir – quand bien même ces derniers sont plus nombreux que les ouvriers de l’usine de Sunderland. Le silence des politiciens britanniques sur la perspective de 8 000 travailleurs britanniques perdant leur emploi demeure assourdissant.
Mais les malheurs de son personnel licencié n’inquiètent pas le directeur général de la Deutsche Bank, Christian Sewing. Il a une banque à sauver, et des investisseurs à rassurer. Sa lettre au personnel faisait d’ailleurs montre d’un ton particulièrement impitoyable :
J’ai bien entendu conscience que, dans nos efforts pour relancer notre banque, nous faisons de grands sacrifices. Je regrette personnellement l’impact que ceux-ci auront sur certains d’entre vous. Cependant, dans les intérêts de notre banque sur le long-terme, nous n’avons pas d’autre choix que d’adopter une approche décisive à cette transformation.
Le désintérêt de Sewing pour le ressenti du personnel qu’il remercie est devenu apparent à 9h30, heure de Londres. Tandis que des centaines d’employés des bureaux de Londres se voyaient licenciés, la direction tenait une visioconférence depuis ces mêmes bureaux. Au cours de cet appel, Christian Sewing a annoncé que la banque prévoyait de maintenir une présence importante à Londres. En fait, elle aurait même l’intention de déménager dans des bureaux flambant neufs sur Moorgate. Il n’est pas difficile d’imaginer comment le personnel congédié a réagi à cette nouvelle.
Malgré leur ampleur et leur soudaineté, les licenciements de lundi n’aurait pas dû surprendre qui que ce soit. Lors de l’Assemblée Générale Annuelle, il apparaissait déjà clairement que des suppressions de postes à grande échelle arrivaient à grands pas, y compris des licenciements forcés. Tout bon professionnel des ressources humaines vous dira que la meilleure façon de faire est d’annoncer la couleur immédiatement. Les personnes suspectant d’être sur la liste des licenciements mais n’en ayant pas encore reçu la confirmation ne sont pas productives au travail, elles se mettent en quête d’un autre emploi. La méthode de la Deutsche Bank permet certes de maintenir des coûts de licenciement bas, mais elle est très mauvaise pour le moral des employés, et elle risque de vous faire perdre du personnel que vous souhaitiez garder. Il vaut mieux faire tomber le couperet le plus tôt possible, de manière à ce que tout le monde sache à quoi s’en tenir.
Ceci étant dit, le plan de restructuration annoncé dimanche est bien plus radical que ce à quoi la plupart des gens s’attendaient. Bien peu imaginaient en effet que la Deutsche Bank arrêterait complètement le commerce des actions et les ventes, et que la « bad bank » serait plus étendue que prévue, à hauteur de 74 € milliards d’actifs à risques pondérés. La banque avait aussi annoncé un investissement inattendu, quoique bienvenu, de 13 € milliards dans les systèmes informatiques et la technologie numérique, bien que l’origine de cet argent soit encore incertaine, si tant est qu’il ne soit réclamé aucun investissement supplémentaire de la part des actionnaires.
Une réorganisation significative a également eu lieu, au cours de laquelle trois membres du conseil d’administration ont perdu leur travail, en plus d’un nombre conséquent de jeunes cadres. Garth Ritchie, dirigeant de la banque d’investissement, avait démissionné la semaine dernière, ouvrant la voie à une restructuration radicale de la banque d’investissement, notamment la fermeture de son département fétiche, le pôle de négociation d’actions. Le départ de Frank Strauss, directeur de la banque commerciale, fut surprenant : vétéran de la PostBank, sa démission est apparemment due à un désaccord concernant la stratégie de d’intégration de la PostBank et de la division commerciale de la Deutsche Bank. Quant à elle, Sylvie Matherat, agente en chef de la réglementation, a payé le prix des nombreux procès, amendes, blâmes, et enquêtes réglementaires subis par la Deutsche Bank. Cela peut sembler quelque peu injuste, puisque Matherat s’était échinée à redorer l’image de la banque ; hélas, porter le blâme pour les erreurs d’autrui est un risque professionnel pour les agents de la réglementation.
Le plus important dans tout cela, c’est que pour la première fois en dix ans, la banque possède une stratégie concrète. Une nouvelle division d’entreprise sera à la tête de l’institution réformée : la Deutsche Bank deviendra avant tout une banque d’entreprises au service des entreprises allemandes et européennes de toutes tailles ; ce qu’il reste de la banque d’investissement sera recentré vers les besoins des entreprises. La Deutsche Bank admet finalement que son rêve de concurrencer avec succès les géants américains de la banque d’investissement est bel et bien anéanti.
Initialement, les investisseurs avaient réagi positivement à l’annonce de ces mesures de restructuration beaucoup plus brutales et qu’aucun autre PDG précédent n’avait tentées ; le prix des actions était monté en flèche en début de journée.
Mais alors que le soleil se levait sur New York, il fallut se rendre à l’évidence. Le commentaire de Sewing selon lequel la banque aura besoin de moins de capitaux à l’avenir n’a rien à voir avec le démantèlement de ses onéreux actifs historiques, et tout à voir avec ses perspectives plus petites et plus pauvres. Le prix des actions a chuté, atteignant un peu plus de 5 % à la clôture du marché, quand les investisseurs ont réalisé qu’une banque d’entreprises centrée sur l’Europe ne risquait pas de leur obtenir les revenus qu’ils avaient espérés. Même l’objectif ROTE de 8 % annoncé dimanche semble soudainement lointain. Deux années de pertes supplémentaires, et un dividende en suspens – tout ça pour quoi ?
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