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Il ne s’agit pas d’un changement de poste mais plutôt d’un changement de vie. Passer de collaborateur·trice à intrapreneur·e au sein d’une entreprise implique pour le salarié d’adopter un certain état d’esprit et pour l’entreprise de renouveler son organisation. C’est une petite révolution dans la vie d’un·e salarié·e qui constitue également, par effet boule de neige, un bouleversement pour l’entreprise. Comment s’opère cette transition ? Comment accompagner au mieux les salarié·e·es dans leur projet d’intrapreneuriat ? Revue de détail.
Savoir identifier et faire grandir le désir d’entreprendre
Pour qu’un·e salarié·e puisse devenir intrapreneur·e, encore faut-il qu’il en ait l’opportunité ! Et cela procède d’une véritable stratégie d’entreprise : favoriser l’intrapreneuriat fait en effet partie des leviers d’innovation, au même titre que les relations avec les startups, mais aussi des dispositifs de rétention des talents auxquels peuvent recourir les ressources humaines. Il est donc essentiel pour toutes les équipes de savoir identifier les talents les plus à même de porter un projet, de susciter le désir d’innover chez celles et ceux qui sont peut-être des intrapreneur·e·s qui s’ignorent et de créer un terreau fertile pour les innovations.
Et les intrapreneur·e·s ne sont pas toujours les salarié·e·s que l’on pense. Ils ou elles ont en effet “une énergie particulière” et “ont envie de réaliser des choses concrètes”, remarque Philippe Benmoussa, directeur de l’innovation chez Deloitte.“Les intrapreneur·e·s ont une forme de révolte en eux, explique-t-il. Il peut s’agir de collaborateurs ou de collaboratrices qui se plaignent de ne pas pouvoir faire certaines choses, par manque de temps ou de moyens. L’intrapreneuriat leur permet de s’exprimer.”
Un programme dédié ? Oui mais pas seulement !
Charge à l’entreprise de stimuler l’innovateur qui sommeille en eux ou en elles, et ce dès l’entrée des collaborateurs et collaboratrices dans l’entreprise. Cela peut notamment se concrétiser par la création d’un programme d’intrapreneuriat, qui accompagnera les porteurs de projets. Deloitte a ainsi imaginé un programme d’une durée de 100 jours, axé autour de 7 modules qui mêle coaching individuel et ateliers collectifs afin de créer une émulation entre les intrapreneur·e·s.
“S’il existe un programme d’intrapreneuriat dans l’entreprise, il ne faut pas hésiter à communiquer sur celui-ci, notamment auprès des nouveaux entrants”, souligne Philippe Benmoussa. Donner régulièrement la parole à des intrapreneurs qui en ont déjà fait l’expérience peut également s’avérer stimulant pour ceux qui n’y auraient pas songé. L’exemple de pairs sera souvent plus motivant pour les salarié·e·s, qui peuvent facilement s’identifier à ces expériences.
Mais attention à ne pas cantonner la démarche d’innovation à ce programme dédié. Pour que cette dernière infuse dans l’entreprise et en bouscule véritablement la culture et les codes, le programme ne doit être que l’un des dispositifs mis en place par l’entreprise pour stimuler ses collaborateurs et collaboratrices. “Il faut diffuser l’innovation dans l’ensemble de l’entreprise grâce à des moments collaboratifs, pour en faire une stratégie permanente”, appuie Philippe Benmoussa. C’est la récurrence de ces moments qui encouragera progressivement les salarié·e·s à se lancer. Et la certitude qu’ils et elles auront des moyens à leur disposition pour développer leur idée.
Allouer des moyens au projet
C’est là la clé de la réussite d’une démarche d’intrapreneuriat. Donner la possibilité à des salarié·e·s d’entreprendre en interne sans leur dégager de temps ou leur allouer de budget est frustrant pour eux et néfaste pour l’image de l’entreprise. En résumé : un passeport pour l’échec ! Il faut donc leur donner les moyens de leurs ambitions… et des vôtres !
Difficile pour autant de trouver une recette secrète qui garantirait la réussite du projet. “Les modalités d’un projet d’intrapreneuriat doivent être définies en équilibre entre la culture de l’entreprise, les possibilités des participants et le besoin du projet”, atteste Philippe Benmoussa. Certain·e·s préfèrent se dégager trois mois à temps plein pour se consacrer pleinement à leur idée, tandis que d’autres optent plutôt pour un quota d’heures par semaine. Attention toutefois à ce que l’organisation du temps de travail ne relève pas du symbolique : “il faut que le temps dégagé ait un caractère significatif, martèle l’expert. Deux jours par semaine ou un mi-temps, c’est idéal.”
Vient ensuite le nerf de la guerre : le budget. Débloquer des fonds ne sert pas seulement à financer le projet mais aussi à le légitimer. “Obtenir un budget dédié permet un arbitrage plus facile entre les missions du quotidien et le projet d’intrapreneuriat”, confirme Pierre Mescheriakoff, directeur Financial Advisory chez Deloitte et porteur du projet Nomade, qui facilite le nomadisme des collaborateurs et collaboratrices. Pour l’entreprise, c’est aussi une première étape pour tester les perspectives marché d’un projet.
Favoriser la participation des équipes
Il serait illusoire de penser que l’intrapreneur·e est seul·e à bord de son projet. S’il n’existe qu’un seul pilote, un capitaine de navire serait bien démuni sans son équipage ! Et c’est le devoir des intrapreneurs que d’embarquer le reste des collaborateurs et collaboratrices dans leur projet pour en assurer la réussite à grande échelle.
Rien de très compliqué, à en croire Nadège Grennepois, associée Risk Advisory chez Deloitte et conceptrice du projet Zen Risk, qui met l’intelligence artificielle au service de la gestion de risque de crédits pour les établissements financiers. “Il est assez facile d’embarquer les équipes lorsque l’on parle d’innovation, se réjouit-elle. Il faut même faire attention à ne pas embarquer trop de monde, sans quoi le projet devient ingérable ! Tout est question d’équilibre.”
Impliquer les différentes équipes dans le suivi du projet
Il s’agit d’une autre des clés de la réussite d’un projet d’intrapreneuriat. En effet, contrairement à un projet classique, qui implique différents niveaux hiérarchiques mais une seule équipe, l’intrapreneuriat mobilise différentes équipes et des hiérarchies variées. Des équipes innovation au service de gestion des ressources humaines, sans oublier les managers directs des salarié·e·s concernés, la chaîne de supervision nécessite de repenser l’organisation du travail afin de favoriser les échanges entre les équipes.
Pour Philippe Benmoussa, il est indispensable que l’intrapreneur bénéficie d’un coach dédié à son projet – qui ne doit donc pas être supervisé par son manager. Cela permet de mieux distinguer le projet d’intrapreneuriat de ses missions quotidiennes et donc également de mieux quantifier le temps consacré et ses retombées. Ce coach peut être une personne de la direction de l’innovation mais aussi un consultant extérieur, notamment dans le cadre de programmes d’excubation, par exemple.
Il est également nécessaire d’impliquer les ressources humaines, afin que le “parcours intrapreneurial” s’ancre dans une logique plus large de gestion de carrière. “Le projet doit faire partie de l’évaluation annuelle du salarié” afin de mieux valoriser son implication, plaide l’expert. Une telle démarche donne également du crédit à la communication de l’entreprise autour des projets d’intrapreneuriat, attestant qu’ils font partie de sa stratégie d’innovation et ne servent pas uniquement d’atouts marketing.
Enfin, cette organisation opérationnelle ne doit pas faire oublier une mobilisation stratégique : “l’intrapreneuriat a besoin de sponsors au niveau de la direction”, rappelle Philippe Benmoussa. En effet, les projets innovants peuvent quelque peu bouleverser certains états de fait au sein de l’entreprise. C’est – théoriquement – leur but ! Mais sans une implication forte du top-management, ils risquent d’en rester au stade de projets plutôt que d’intégrer ensuite la stratégie de la société.
Anticiper la fin du projet
Ce suivi doit avoir lieu jusqu’à la fin du projet, quelle qu’en soit l’issue. Succès ou échec, il est nécessaire de tirer un bilan – qui sera aussi utile à l’intrapreneur·e qu’aux superviseur·e·s internes du projet. Il permettra notamment des améliorations pour les futurs projets d’intrapreneuriat : c’est la logique d’itération chère aux startups !
En cas de succès, il est aussi nécessaire de se poser la question, avant même la fin du projet, de l’avenir de l’intrapreneur·e. “Certaines entreprises sont dans une logique de spin-offisation”, qui consiste à aider une startup à se lancer de façon indépendante de l’entreprise. Mais le collaborateur ou la collaboratrice peut aussi souhaiter changer de poste, de statut ou de missions pour avoir l’opportunité de poursuivre son projet à grande échelle. Autant de changements que l’entreprise se doit d’accompagner pour réussir pleinement le retour de l’intrapreneur au statut de collaborateur !
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