[ad_1]
Article initialement publié en juillet 2017. C’est le cinquième et dernier volet de la saga « Le devenir des startups post levées de fonds : quelles pratiques opérationnelles pour pérenniser l’activité ? » proposée par Cécile Bellaches, qui a recueilli et analysé les retours terrain d’une trentaine d’acteurs de l’écosystème (principalement en PACA et à Paris).
Plusieurs entrepreneurs interrogés évoquent la mise en place d’un manager expérimenté suivant opérationnellement les startups du portefeuille une fois par semaine ou par mois selon la maturité de l’entreprise. Une sorte de directeur des opérations externalisé permettant de donner une vision opérationnelle et terrain aux fonds d’investissement, souvent loin de ces aspects de par leur métier, et de réfléchir avec les équipes de l’entreprise sur le terrain. Un dirigeant manque bien souvent de temps et d’argent. Ce manager expérimenté serait intégré au fonds d’investissement.
En se projetant dans un monde idéal, Aurélie Viaux (Turenne Capital) indique qu’un accompagnement post levées de fonds serait précieux. « À l’image de ce qui existe aux États-Unis, un expert sur les thématiques déterminantes rencontrées par l’entreprise, présent au Conseil Stratégique, à partir du moment où le dirigeant ne maitrise pas le domaine ou n’a pas le temps de le traiter, en a conscience et en a les moyens. Ce serait un gain de temps donc d’argent à terme. Même s’il peut apprendre le dirigeant est sollicité sur nombre de sujets clés. Un dirigeant ne peut tout savoir ; il a tout intérêt à s’entourer dans la limite de ses capacités financières et à bénéficier de l’avantage de la réflexion à plusieurs et de l’intelligence collective. »
Sofiane Ammar (entrepreneur et business angel, investi dans thecamp), rappelle bien que la première année est capitale. L’objectif pour lui est double : motiver son équipe, la faire adhérer et équilibrer ses charges. « Après une levée de fonds, série A généralement, vous testez la scalabilité de l’activité. Un board doit être mis en place avec les actionnaires, à considérer comme de véritables acteurs parties-prenantes de l’aventure de la startup pour maturer le couple produit / marché. Il faut régulièrement échanger avec ces VCs et construire votre argumentaire pour qu’ils aient envie de remettre au pot. »
Sofiane ajoute que « scruter son marché fait partie intégrante de l’accompagnement post levée de fonds au travers par exemple d’un advisory board se réunissant régulièrement pour maintenir la relation entre les différents acteurs de ce marché : une phase de pilotage itérative des investissements par rapport aux objectifs annoncés, validés et consignés dans le pacte. L’advisory board nécessite une rémunération généralement en actions pour piloter cette activité ».
Rappelons que les fonds d’investissements participent en qualité de censeurs, non décisionnaires et minoritaires au sein des comités stratégiques ou conseil d’administration qui sont des organes consultatifs. Un advisory board est beaucoup plus pragmatique. Certains entrepreneurs interrogés ont déjà créé ce comité dès le départ, parfois avant même le dépôt des statuts.
Deborah Alliez (Marseille Innov) considère une levée de fonds comme une mise en réseau pour trouver le bon financement au bon moment. « Marseille Innov est un tremplin pour accélérer vite et bien. Un accompagnement permettant d’assurer le bon usage des fonds perçus est un vrai besoin, pour faire fructifier sur le court terme et pérenniser sur le long terme. Cela nécessite d’avoir les moyens et de se donner les moyens en faisant appel à un mentor pouvant challenger le dirigeant, le recadrer, faire la balance avec les besoins du financeur et les besoins de l’équipe interne. » Un super coach.
Laurent Censier (Stokkly) conclut ainsi : « une startup c’est manager, accompagner, anticiper, suivre sa trésorerie, reporter et aussi pendant et après une levée de fonds savoir se faire accompagner. Les qualités requises pour moi sont : être à l’écoute du dirigeant sans froisser son égo, recueillir l’information, la comprendre au travers d’échange d’idées, savoir rester neutre et humble pour proposer ensuite ». Vaste programme !
La loi Allègre de 1999 sur l’innovation et la recherche a favorisé l’émergence d’un écosystème, très riche et de qualité, accompagnant les entrepreneurs à passer de la phase d’idéation à la création de l’activité et à la recherche de financement. L’accompagnement se réalise sur une durée de 18 à 24 mois généralement durant laquelle sont travaillées la qualité et la composition de l’équipe (valeurs, vision, compétences), l’utilité du produit et l’existence du marché et les premières recherches de financement.
Lorsque l’activité est créée, que le produit a trouvé son marché, une nouvelle recherche de fonds (série A généralement) est un passage quasi obligatoire pour les startups, voire plusieurs. Il faut être en mesure de prouver qu’investir dans cette activité a été un très bon choix : être crédible.
L’accompagnement quel qu’il soit touche à sa fin aussi (couveuse, incubateur, accélérateur, pôle de compétitivité, cluster, fablab). La question de la gestion post closing de l’activité reste très ouverte.
La phase d’après levée de fonds dépend de la réalisation des deux phases précédentes :
La phase de préparation qui doit permettre de bien connaitre son produit ou service, son marché et surtout de savoir travailler en équipe. Elle sert aussi à qualifier le besoin de la levée de fonds en travaillant son business model et business plan et l’argumentaire de vente.
Et la phase de conduite de la levée de fonds où 4 points sont fondamentaux :
1. La relation à l’investisseur : instauration d’une confiance et d’une réciprocité d’intérêt
2. La répartition du capital
3. Le mode de fonctionnement du pacte avec une gouvernance la plus opérationnelle possible
4. La préparation de la mise en œuvre du business plan : quelle feuille de route ?
L’exécution du Business Plan, dans 90 % des cas ayant évolué entre le début et la fin du tour de table, et le suivi de la feuille de route sont incontournables car il faut prendre en compte simultanément les enjeux commerciaux, techniques, humains et financiers.
Quatre critères sont à considérer :
• La nature de la levée de fonds (early stage ou plus mature Série A ou plus)
• Le cadre dans lequel le porteur de projet se trouve (incubateur, accélérateur, accompagnement individuel au travers de son réseau personnel, autre)
• Le caractère et le mode de fonctionnement du Porteur de Projet, dirigeant / fondateur
• La nature et type de produit /service et le marché
Les objectifs, exprimés différemment, restent les mêmes :
• Aller chercher le chiffre d’affaires / démontrer la scalabilité : la commercialisation et le marketing
• Assurer que le produit est viable sur un marché en croissance : adapter son outil de production, rester innovant, gérer l’attractivité et la communication
• Gérer l’équipe : recruter, motiver et faire adhérer
Trois domaines nécessitent une vigilance particulière :
• Les chiffres
• Les aspects juridiques (réglementaire, social et fiscal)
• Le management et l’organisation au travers de la mise en œuvre opérationnelle : le temps, le séquencement, les ressources humaines, les outils et la technique
Et deux invariantes reviennent systématiquement :
• Gérer les finances
• Bien exécuter le Business Plan, à adapter si besoin : ordonnancement, priorisation et arbitrage
En s’appuyant sur une équipe de confiance, facteur déterminant de la pérennité d’une startup.
Après une levée de fonds série A ou plus, chaque action envisagée doit trouver une réponse s’avérant indispensable à l’une de ces trois questions : quel est l’intérêt pour mon activité ? quel est-il pour les investisseurs ? quel est-il pour mon équipe ?
Certains préconisent d’ouvrir le capital le plus tard possible et d’être extrêmement vigilant sur le choix du partenaire. Le mieux-disant financièrement n’est pas toujours la bonne solution. Par expérience les entrepreneurs privilégient un mix entre le montant de l’apport et la relation humaine développée où le feeling est très important ; avoir peu d’acteurs pour éviter les problématiques de relution et dilution pouvant bloquer le développement de l’activité.
Des indicateurs de suivi financiers et commerciaux de la mise en œuvre opérationnelle semblent indispensables : Un seul KPI pour refléter la santé de l’entreprise ; 3 ou 4 pour suivre la bonne exécution.
Mettre en place un comité des sages (« advisory board ») dès la création de l’entreprise est un autre atout. Sa composition est déterminante et dépend des besoins de l’entrepreneur : la complémentarité des compétences, des visions et la confiance sont de mises. Ce comité a pour objectif de faire un point régulier sur la stratégie de développement, sur les points d’achoppements ; c’est un espace où chacun exprime ce qu’il pense bon pour l’entreprise, une instance très opérationnelle à laquelle le dirigeant fondateur peut se référer pour faire part d’un problème. Pendant la levée de fonds un facilitateur connaissant les rouages de telles opérations pour assurer le go between est un vrai apport.
L’option de se faire accompagner dès la fin de la levée de fonds pour préparer la suite se révèle être un vrai besoin, permettant, entre autres, de contre balancer l’éventuelle « LFblues » de l’entrepreneur et surtout d’orchestrer la mise en œuvre opérationnelle en travaillant avec toute l’équipe. La première action opérationnelle à mener après le closing est de revoir la feuille de route car le BP a évolué, de prioriser puis d’arbitrer.
Voici une liste de question à traiter quasi simultanément à la fin de la levée de fonds pour mise en œuvre dès la signature du pacte :
- Quel est mon business plan à la date de closing ?
- Comment je le décline ?
- Qui je recrute, quand et comment ?
- Comment je les intègre ?
- Comment générer de la confiance, créer une osmose ?
- Comment répartir les rôles ?
- Quel est mon besoin réel, celui qui me permet d’aller chercher la marge d’après et de trouver les bons relais de croissance ?
- Quel est mon MVP (Minimum Valuable Product) ?
- Comment je l’évalue ?
- Dans le secteur des objets connectés, comment industrialiser la production ? Où ? Par qui ? Pour combien ?
- Quels sont les critères de choix ?
- Comment je gère cette production de masse ? Quelle ligne de produit est viable ?
- Dois-je stopper une gamme ?
- Dans le domaine de la médecine prédictive par exemple, le domaine de la Recherche et du Développement est primordial. Quel budget y consacrer ? Pour quel résultat attendu ?
- Pour une application ou un service en ligne, quelles fonctionnalités développées ? J’internalise ou bien je fais appel à un Bureau d’Etudes ? Comment je rédige mon cahier des charges ? Comment je choisis ? A quel prix ?
- Quels sont mes concurrents ?
- Comment je me positionne sur le marché ? Quel est mon atout ?
- Comment je le mets en avant ? Combien de temps et d’argent dois-je y consacrer ?
- Quel plan d’action commercial mettre en place ? Quelle est ma stratégie marketing ?
- Dois-je adapter ma stratégie de marque ?
- Quel est mon coût d’acquisition ?
- Comment faire connaitre mon produit ? Quel plan média adopté ?
- Quelle communication digitale mettre ne place ?
- Je déploie en France ? A l’international ?
- Quelles sont les obligations légales à suivre ?
- Quelle réglementation respecter (CNIL par exemple) ?
- Comment j’établis et suis mon budget ?
- Quels indicateurs mettre en place : financiers (résultat net, SIG, VA virtuelle), de suivi de trésorerie ? d’analyse des coûts ? des indicateurs commerciaux (nombre de lead, taux de transformation) ? des indicateurs d’usage du produit ?
- Quels sont les outils que je peux utiliser ? En termes de reporting et d’analyse financière ? Puis-je bénéficier d’aides au financement comme le CIR, JEI, JU ou autre ?
- Comment dois-je faire ?
- Dois-je envisager d’effectuer un pivot pour assurer la pérennisation de mon activité ?
- Quels sont les processus dont je dois me doter pour rester efficace ?
- Comment répondre aux attentes des actionnaires ? Comment les tenir informé efficacement ?
- Comment je partage mon temps désormais ?
- Quelle organisation est la plus adéquate et efficace ? Quels modes de fonctionnement adoptés ?
Cet accompagnement peut prendre différentes formes :
• Une internalisation du besoin – une personne possède la compétence identifiée et requise ou l’acquiert très en amont ou un recrutement est prévu à cet effet
• Un appel à des experts pour un temps donné sur un sujet bien précis comme un juriste des contrats domestiques et internationaux (CGV), une expertise en marketing digital, pour un accompagnement sur la priorisation et l’arbitrage du déroulé du BP, une expertise en management
• Cela peut se traduire aussi par l’intervention régulière d’un externe sur une fonction précise s’inscrivant alors dans la durée : DAF externalisée, DRH externalisée
L’accompagnement sur toute la durée de l’utilisation de la levée de fonds reste un vrai sujet et un vrai besoin que de nombreux acteurs sollicités ont pointé, notamment sur la mise en œuvre opérationnelle du Business Plan. Cet accompagnement aurait tout intérêt à débuter avant la phase de closing pour permettre d’adapter le BP, de préparer l’équipe et la feuille de route en assurant le suivi des finances en parallèle. Je finance quoi, comment, pour combien de temps et je le séquence comment ?
Il s’agit aussi d’être transparent avec ses investisseurs en les impliquant dans l’évolution de l’activité, en effectuant un reporting complet présenté lors des comités de suivi.
Selon tous ces acteurs, une des clés de la réussite de l’utilisation adéquate des fonds réside dans la capacité de l’équipe dirigeante à se remettre en question, à travailler sur son contraire, sur sa complémentarité : savoir identifier ses points faibles, savoir les partager et aller chercher comment y répondre en échangeant avec ses pairs lors des évènements proposés, en s’appuyant sur l’écosystème ou en faisant appel à un acteur externe tout au long de la durée d’utilisation des fonds obtenus, spécifiée dans le business plan. Et connaitre ce qui se passe en interne comme en externe afin d’effectuer des choix opérationnels en connaissance de cause.
C’est la phase que le monde traverse actuellement : les codes classiques volent en éclat. Plus que jamais notre écoute, note réactivité et notre réflexivité sont sollicitées. La notion d’entreprise collaborative, très en vogue, prend tout son sens au sein de cet écosystème dont la principale caractéristique est une impermanence forte : l’obtention d’une plus-value pérenne et la création de valeur sur du long terme s’appuient nécessairement sur le partage des bonnes pratiques, du savoir et de l’expertise de chacun et reposent sur un réel travail en équipe. L’expérientiel prend son essor.
L’apprentissage par une alternance régulière de formation et de mise en pratique opérationnelle sur des délais très courts devient une manière de travailler. Tous les types d’accompagnements évoqués s’inscrivent dans cette optique et favorisent une mise en œuvre opérationnelle réussie dans le monde des startups.
[ad_2]
Yalayolo Magazine