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Alors que les assistants vocaux envahissent nos téléphones et nos enceintes, comment appréhender ces nouvelles formes d’interactions avec le consommateur ? Réponse (en partie) avec les témoignages d’EDF, Fnac / Darty et E.Leclerc lors d’une table ronde organisée par Le Hub de La Poste.
« Google Home ou Amazon Echo, ce sont 10% des cadeaux offerts au dernier noël aux Etats-Unis. Il y a 180 millions d’assistants comme l’assistant Google ou Alexa utilisés outre-Atlantique », explique en introduction de son intervention Michaël Boumendil, fondateur de l’agence de design sonore Sixième Son, lors d’une table ronde organisée par Le Hub de La Poste le 4 avril et principalement consacrée au « voice commerce ».
Pas de doute, la voix va s’imposer ces prochaines années comme un canal incontournable pour les marques désireuses d’interagir avec les consommateurs… Mais il reste encore de nombreuses étapes à franchir avant que l’expérience se révèle aussi fluide que satisfaisante, d’autant plus si l’on cherche à vendre des produits directement par ce biais.
FNAC / Darty privilégie le service à la transaction
« L’objectif est d’enrichir l’expérience offerte au client. Ça n’a de sens que si cette expérience est personnalisée, rapide et immédiate. Quant à imaginer des transactions et un véritable voice commerce… Les capacités de l’IA sont encore limitées. On l’utilise pour comprendre ce que veut le client lorsqu’il interagit avec l’assistant vocal, mais de là à lui faire des propositions pertinentes, on n’y est clairement pas« , explique ainsi Yann Aubriet, directeur UX et Ecommerce pour le groupe FNAC / Darty. Au-delà de la maturité technique, il met aussi en avant le manque d’intérêt des utilisateurs : « seulement 10% des utilisateurs de commande vocale l’utilisent pour acheter. On cherche d’abord à lancer de la musique, un itinéraire ou la météo. »
Selon Yann Aubriet, dir. ux et #ecommerce du groupe @Fnac / @Darty_Officiel , l’#IA est loin de pouvoir proposer des suggestions personalisées en vocal. « On essaye surtout qu’elle soit capable de vous comprendre » #LeHubLaPoste #voice #marketing pic.twitter.com/fwb1JmkyvN
– Emarketing.fr (@Emarketing_fr) 4 avril 2019
Ce qui n’empêche par la FNAC d’avoir été parmi les premiers à tester avec Google la mise en place de fonctionnalités transactionnelles. « Nous avons fait du transactionnel pour apprendre. Et vu le temps nécessaire, il faut se lancer tôt pour être ensuite time to market. Mais nous devons le faire à notre façon : là où Amazon va être très bon pour vendre via Alexa un produit que vous désirez, nous avons une carte à jouer quand il s’agit d’accompagner, de faire découvrir et de conseiller des produits. Mais le transactionnel reste anecdotique. Il faut être utile pour l’usager, et pour l’instant, ce dernier cherche surtout à savoir où est le magasin le plus proche, où en est sa commande ou quand sera disponible tel ou tel produit. Cela répond à un vrai besoin, et c’est plus simple à mettre en place pour nous. »
Pour Darty, cette notion de service est poussée plus en avant, les fonctionnalités de l’assistant servant avant tout à soulager le SAV : « 52% des pannes déclarées sont liées à une mauvaise utilisation des appareils. Nous pouvons utiliser un assistant vocal pour faciliter l’accès au tutoriel, ou pour planifier des notifications comme « avez-vous pensé à nettoyer le filtre de votre machine à laver ? », afin de réduire les pannes. »
Son conseil : Pour faire du commerce, limiter le nombre de produits achetables. Fnac a limité à 69€ la valeur des produits achetables via l’assistant, tant pour limiter les problèmes de fraudes que pour contourner les complications liées au système 3D Secure, qui vous demande d’authentifier la transaction auprès de votre banque via le plus souvent un code envoyé sur votre mobile.
E.Leclerc joue la carte omnicanale
Avant de se lancer sur le vocal, reste encore à savoir quoi proposer à ses clients, et donc à bien cerner leurs habitudes sur ce nouveau canal. C’est aussi le message porté par Maud Funaro, directrice de la Stratégie et de l’Innovation de l’enseigne E.Leclerc. « L’utilisation de la commande vocale se concentre en amont et en aval du parcours d’achat, soit la recherche du produit, ou la vérification du statut de livraison, mais rarement pour l’achat en lui-même. La recherche du produit est particulièrement intéressante, car la voix va permettre d’aller plus vite qu’une interface visuelle, en indiquant toutes les informations en une seule phrase. » Reste à ce que l’IA comprenne du premier coup une demande, et qu’il ne soit pas plus simple et plus rapide d’utiliser l’interface visuelle… Au rang des autres limites du vocal, Maud Funaro évoque « la réponse de l’assistant. Il faut qu’elle soit simple, claire et courte, sans quoi le parcours doit se terminer sur une interface visuelle, le risque de perdre l’interlocuteur étant trop élevé. Enfin, le paiement est encore limité car les gens ont besoin de réassurance. »
Maud Funaro, dir. Stratégie et Innovation chez @Leclerc, expose les enjeux et limites des assistants vocaux. L’enseigne propose de créer une liste de course sur son app #mobile, et lancera en octobre prochain la création de paniers sur le #drive #LeHubLaPoste #voice #marketing pic.twitter.com/zNlLDknCgv
– Emarketing.fr (@Emarketing_fr) 4 avril 2019
Des limites qui cadrent plus qu’elles n’empêchent E.Leclerc de proposer ses solutions. La première utilisation d’un assistant vocal se révèle ainsi basique, avec la possibilité d’ajouter via la voix des produits génériques (sans marque) à son « mémo-course », disponible sur l’application mobile du retailer. Mais en octobre, ce dernier souhaite utiliser l’assistant vocal pour enrichir l’expérience offerte sur son drive, avec la possibilité de construire un panier drive à la voix en reliant son compte Google à son compte E.Leclerc.
Là encore, la directrice de la stratégie et de l’innovation pointe un certain nombre de contraintes, à commencer par un lourd travail de sémantique : « Si la personne commande du lait, il ne faut pas que ce soit un lait démaquillant. Idem si elle veut un yaourt aux fraises, il faut exclure les sirops ou le baume à lèvre susceptible d’être goût fraise. Pour faire le tri, il faut limiter le nombre de caractéristiques produit mises en avant et utilisées pour faire la sélection, d’autant que les références sont susceptibles de changer très souvent. »
Son conseil : La voix n’a pas vocation à couvrir l’ensemble du parcours d’achat, aussi il faut veiller à intégrer l’assistant vocal au sein de l’écosystème de la marque. « Les services qui marchent le mieux s’inscrivent dans un parcours global et omnicanal. Il faut pouvoir facilement changer de device sans perdre le fil. » En ce sens, les smartphones ou les enceintes dotées d’un écran semblent promis à s’imposer.
EDF cible des populations et des besoins spécifiques
Tandis que Leclerc et Fnac/Darty travaillent avec Google, EDF s’est rapprochée d’Amazon pour développer 2 applications sur Alexa. « Nous avons identifié que l’usage de la voix était particulièrement adapté à deux populations : les enfants et les seniors, avec respectivement une application proposant des jeux sur les économies d’énergie, et une autre qui rassemble les actes de gestion de son contrat par la voix », explique Karine Del Medico, responsable de la performance et de l’expérience client chez EDF Commerce. Les deux outils ont été utilisés au total par plus de 2000 personnes.
Karine de Médico, responsable de la performance et de l’expérience client pour @EDFofficiel commerce, détaille les deux applications déployées pour l’instant par l’entreprise sur #Amazon #Alexa, et les stats d’utilisation #LeHubLaPoste #voice #marketing pic.twitter.com/NkVqCLVtvO
– Emarketing.fr (@Emarketing_fr) 4 avril 2019
Au-delà des questions de sécurité et de partage des données, qui ont poussé l’entreprise à éviter Google, EDF s’est heurtée à d’autres difficultés : « Quand on travaille avec l’intelligence artificielle, il y a souvent des régressions : Amazon fait une mise à jour, et ce qui fonctionnait auparavant bugue et demande à être retravaillé. Nous avons aussi dû faire apprendre à Alexa ce qu’était « l’EDF », « EDF » ou même « ÉDF », selon les différentes prononciations de nos clients. Idem pour les adresses en français, qui étaient prononcées avec l’accent anglais par Alexa. Nous avons dû utiliser une API pour qu’elle reconnaisse les apostrophes ou les accents. »
Plus généralement, l’utilisation d’assistants vocaux nécessite un gros travail de design de conversation, et le mieux est de s’y prendre le plus tôt possible, alerte également Karine Del Medico. « Il y a toujours de nombreuses uttérances possibles pour poser une question ou exprimer une demande. Nous avons dû enseigner cinq prononciations différentes pour dire « je veux voir ma facture » à l’assistant, et il faut imaginer cela pour toutes les interactions possibles. »
Quid de l’identité vocale de la marque ?
Alors que les autres participants de la table ronde étaient des annonceurs, Michaël Boumendil, fondateur de l’agence de design sonore Sixième Son, à l’origine d’identités sonores de marques comme Renault ou la SNCF, était venu alerter l’audience sur les enjeux du marketing sonore à l’heure des assistants vocaux.
« Ne pas déployer votre propre identité sonore sur ce canal revient pour vous à investir dans un magasin, mais sans mettre votre nom ou votre logo en vitrine. L’enseigne, c’est Google ou Amazon, et en prenant leur voix par défaut, ce comme si vous mettiez leur nom sur vos packagings. C’est totalement destructeur pour votre image de marque. »
D’autant que selon des tests menés par son agence au Royaume-Uni, 40% des Britanniques sondés trouvent par exemple la voix d’Alexa « pas sympa ». Cela étant lié au fait « qu’elle a toutes les réponses. Elle est la sachante, et nous prend un peu de haut. » Difficile pour une marque d’être ainsi perçue.
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