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Sous l’impulsion de son très récent directeur artistique Daniel Lee, Bottega Veneta s’est retirée des réseaux sociaux Instagram, Twitter, Facebook : une absence remarquée par les médias, cependant que le COVID semble rendre la communication digitale plus indispensable que jamais. Caprice de directeur artistique ou stratégie audacieuse, cet épisode est l’occasion de revenir sur les liens qui unissent les stylistes à leur maison de couture, entre mise en scène de la personne et décorrélation nette au bénéfice d’une valorisation de l’objet et de son imaginaire.
Certains stylistes cultivent leur personal branding, la marque de leur propre personnage, comme Riccardo Tisci, depuis peu chez Burberry, qui envisage son compte comme un book ou un curriculum vitae, et retrace son parcours et ses partenariats. Pour d’autres encore, Instagram s’apparente davantage à un recueil de curiosités, d’idées ou à un album de leurs meilleures réalisations. C’est le cas de l’excentrique Alessandro Michele, dont l’œil aiguisé collecte, partage des photos de choux, de poupées en porcelaines, de bustes antiques, et offre une interprétation toujours mystérieuse de son travail pour Gucci. Il semble ainsi révéler à ses fidèles une représentation en temps réel de son atelier, de son carnet de brouillon.
Dès son arrivée chez Celine, Hedi Slimane a effacé le passé de la marque : sur Instagram, tout commence le 2 septembre 2018 derrière un rideau d’or qui ressemble étrangement à une couverture de survie, traduisant la claire et obscure beauté de l’univers du nouveau directeur. Son surgissement se manifeste par une présence créative, une esthétique, quand son image reste préservée des marques avec lesquelles il a collaborées – Dior, Saint Laurent – et strictement attachée à sa photographie. Virginie Viard, qui était autrefois l’ombre de Karl Lagerfeld chez Chanel et aujourd’hui sa successeuse, contraste par son extrême discrétion. En effet, la marque est imbibée de l’image de Gabrielle Chanel, de sa silhouette et ses motifs omniprésents, immuablement ravivés, déclinés. Le compte public de Virginie Viard ne comporte qu’une ou deux photos qui témoignent de son attachement et de sa filiation à son mentor.
Christian Louboutin, Jean-Paul Gaultier, Jacquemus, Isabel Marant ou Alexandre Mattiussi pour Ami sont autant de créateurs éponymes (ou presque) qui ont initié, animé, incarné leur marque de façon que les communications digitales entre les fondateurs et leur maison se confondent. Si le visage d’Isabel Marant ponctue subtilement la page Instagram de la marque, d’autres font le choix d’impliquer davantage leur vie quotidienne, à l’instar d’Alexandre Mattiussi ou de Jacquemus qui tissent une relation de proximité avec leur communauté : ils semblent même prendre la plume et sans filtre, exprimer des moments de vie, des vœux, des souvenirs.
Sans cesse tiraillée entre l’aura, la volonté des directeurs artistiques et la stratégie marketing d’une industrie rôdée, la communication digitale des marques de luxe raconte la complexité d’un secteur fascinant, guidé par des chiffres et gouverné par les intuitions ou les exigences de ses artistes.
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