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GettyImages-1190817883 | Source : Getty
Du fait de la crise sanitaire et du deuxième confinement en France, le Mois sans tabac a touché à sa fin en passant un peu inaperçu, le Covid ayant éclipsé la lutte anti-tabac. Pourtant le tabagisme continue de tuer, et de plus en plus de femmes en sont les victimes.
Les principaux facteurs susceptibles de favoriser les maladies cardiovasculaires et identifiés comme modifiables sont le tabagisme, l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie, le diabète, la sédentarité et l’obésité et ces facteurs peuvent concerner aussi bien les hommes que les femmes. Mais, du fait de leur statut hormonal, les femmes bénéficient normalement d’une protection spécifique, d’où le caractère inhabituel des accidents cardiovasculaires avant la ménopause avec un décalage d’environ dix ans par rapport aux hommes dans la survenue des premiers accidents cardiovasculaires. Malheureusement, ce bénéfice est spécifiquement perdu chez les femmes fumeuses.
Le tabagisme féminin : une particularité française
En France, contrairement à la majorité des pays européens, le tabagisme des femmes a augmenté de façon très importante depuis les années 70, avec une prévalence du tabagisme quotidien qui a atteint 26,4 % en 2000 et s’est maintenu à ce niveau jusqu’en 2016. Et si on a assisté depuis trois ans à une baisse sensible de cette prévalence, elle ne concerne en réalité que les adolescentes et les femmes les plus jeunes, alors que le pourcentage de fumeuses continue à augmenter chez celles de plus de 55 ans, qui ont commencé à fumer il y a quarante ans. La conséquence a été qu’entre 2000 et 2015, alors que le nombre de décès attribuables au tabac a sensiblement diminué chez les hommes, celui-ci a par contre doublé chez les femmes, passant d’environ 8 000 (3,1% de tous les décès chez la femme) à plus de 17 000 (6,3% de tous les décès). Une partie de cette évolution concerne les décès par cancer du poumon dont la mortalité chez les femmes de 50 à 74 ans est actuellement supérieure à celle par cancer du sein, donnée méconnue des femmes fumeuses qui craignent plus volontiers ce cancer féminin.
Un impact cardiovasculaire spécifique et sous-estimé
Beaucoup moins médiatisé a été l’impact de cette évolution sur l’ensemble des pathologies cardiovasculaires. Comme chez les hommes, le tabagisme est le facteur de risque dominant des femmes présentant un infarctus du myocarde avant 50 ans. De 2005 à 2014 les hospitalisations pour infarctus du myocarde ont augmenté de 5% par an par chez les femmes de 45 à 54 ans et plus du quart des décès par maladie coronaire chez les femmes de 35 à 49 ans sont attribuables au tabac. Dans la même tranche d’âge, le tabagisme est le principal facteur d’accident vasculaire cérébral chez les femmes et les hospitalisations pour anévrysme de l’aorte abdominale ont augmenté de 3% par an chez les femmes de 55 à 64 ans entre 2000 et 2013. Par ailleurs, l’analyse de la littérature montre qu’à tabagisme égal les femmes ont un sur-risque de maladie coronaire de l’ordre de 25%. Rappelons également que dans l’association du tabac avec la contraception œstro-progestative le surrisque d’accident cardiovasculaire est essentiellement lié au tabac. Or, certaines femmes arrêtent la pilule parce qu’elles sont fumeuses. Ce qu’il faut arrêter ce n’est pas la pilule mais le tabac.
Un gisement prioritaire et majeur de prévention
Toutes ces données font qu’une prise en charge active du tabagisme des femmes représente actuellement en France un gisement potentiel majeur de prévention cardiovasculaire. Rappelons que les bénéfices cardiovasculaires à attendre de l’arrêt du tabac sont à la fois majeurs et rapides, dans la mesure où les facteurs biologiques en cause dans les complications cardiovasculaires (induction de phénomènes de coagulation et/ou de spasme artériel) se normalisent pratiquement en temps réel. Ceci explique qu’il y a toujours un bénéfice important à arrêter de fumer quel que soit l’âge. Cependant, le bénéfice optimal est obtenu par un arrêt le plus précoce possible car, au-delà de la prévention des accidents précoces, cela permet de limiter l’impact du tabac sur les parois artérielles dans la durée et ainsi l’hypothèque résiduelle de risque d’accident qui est proportionnelle à la durée du tabagisme. Une autre notion importante et souvent méconnue est qu’il n’y a pas de petit tabagisme sans risque. L’impact cardiovasculaire est en particulier présent même pour des niveaux faibles de consommation : le risque d’une consommation moyenne de une cigarette par jour a été évaluée égale à la moitié de celui de la consommation de vingt. C’est pourquoi le sevrage doit être total, une simple réduction du niveau de consommation ne permettant pas d’escompter une réduction proportionnelle de risque.
Le Programme National de Lutte contre le Tabagisme (PNLT) a pour objectif d’atteindre une prévalence de moins de 5% de fumeurs en France en 2032. Pour cela, au-delà de la diminution de l’initiation de jeunes qui est plutôt en bonne voie, s’occuper activement du tabagisme des adultes, et tout particulièrement de celui des femmes, est une priorité de santé publique. Volontiers moins conscientes d’être à risque les femmes sont souvent moins bien conseillées et aidées pour une démarche de sevrage. Ce facteur doit être pris en charge par les acteurs de santé avec le même niveau de priorité qu’un diabète, une hypertension artérielle ou une hypercholestérolémie. Et pour une efficacité optimale, il importe que les aides au sevrage, à présent pris en charge par l’Assurance-Maladie(substituts nicotiniques, varénicline), soient largement utilisés.
Vous avez dit « égalité des genres » ?
Il faut également protéger les femmes de l’offensive persistante de l’industrie du tabac. Unede ses priorités est de maintenir fidèle à ses produits cette moitié de la population sur laquelle elle a investi pendant des décennies pour la faire fumer à l’égal des hommes. Ironie de l’actualité, ces dernières semaines, le cigarettier Philip Morris International a été partenaire déclaré du Financial Times dans l’organisation de conférences en ligne sur l’« égalité des genres ». Le fait que cette industrie mortifère s’affiche ostensiblement et sans vergogne sur ce créneau d’actualité, mérite d’être considéré comme une véritable opération de blanchiment moral qu’il importe de dénoncer.
Professeur Daniel THOMAS, Cardiologue, Président d’honneur de la Fédération Française de Cardiologie (FFC), Vice-président du Comité National Contre le Tabagisme (CNCT) et de l’Alliance Contre le Tabac (ACT), Porte-parole de la Société Francophone de Tabacologie.
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