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La société Palantir Technologies, spécialisée dans le data mining et l’édition logicielle, est entrée en bourse le 30 septembre dernier dans une cotation directe qui l’évalue à 21 milliards de dollars. Mais pour deux raisons détaillées ci-dessous, il faut passer son chemin auprès des actions Palantir.
Palantir, c’est quoi ?
La société a été fondée en 2003 avec des capitaux provenant d’investisseurs qui incluaient notamment la CIA et fournit des logiciels pour aider les organisations à analyser des données.
Palantir propose par exemple des outils qui aident l’United States Immigration and Customs Enforcement (ICE) à effectuer des descentes d’expulsion. Ces outils comprennent Falcon, un logiciel qui « augmente le volume des données accessibles » pour les enquêteurs de l’ICE « concernant le mouvement illégal de personnes à l’entrée, à l’intérieur et à la sortie des États-Unis »
Palantir a fait le choix d’une cotation directe (lors de laquelle un prix dit de référence est fixé) pour permettre aux actionnaires actuels de vendre leurs actions. Le titre a clôturé son premier jour de négociation à 9,50 $ l’action, soit moins que son prix d’ouverture à 10 $, mais plus que la fourchette à laquelle les actions avaient été négociées en privé en août (7,31 $) et en septembre (9,17 $), selon le Wall Street Journal.
Les résultats financiers de Palantir montrent de grosses pertes et une augmentation modeste de son chiffre d’affaires. Depuis sa création, la société a perdu de l’argent chaque année, affichant des pertes nettes d’environ 580 millions de dollars en 2018 et 2019. L’an dernier, ses revenus ont augmenté de 25 % pour atteindre environ 743 millions de dollars. Mais une bonne nouvelle est tout de même à retenir selon le New York Times : le mois dernier, Palantir a déclaré s’attendre à une croissance de 41 % de son chiffre d’affaires, pour atteindre 1,05 milliard de dollars en 2020.
Palantir vaut aujourd’hui un peu plus qu’en 2015, quand les investisseurs ont évalué la société à 20 milliards de dollars. Cependant, sa valorisation à 21 milliards de dollars est inférieure aux 22 milliards de dollars que les banquiers avaient déjà mis en circulation avant la cotation directe.
L’immolation financière de Palantir
Palantir est un véritable consommateur de liquidités. En 2019, ses opérations ont consommé 165 millions de dollars en espèces, soit 22 % de son chiffre d’affaires. Et sa consommation de liquidités a augmenté par rapport à l’année précédente. En 2018, le flux de trésorerie négatif des opérations de Palantir était de 39 millions de dollars, sa consommation de trésorerie en 2019 a grimpé en flèche de 323 % alors que son chiffre d’affaires n’a augmenté que de 25 %.
Le produit de Palantir est très cher à vendre et la société a des frais généraux très élevés, qui représentent 105 % de son chiffre d’affaires l’année dernière. En 2019, par exemple, les dépenses de vente et de marketing de 450 millions de dollars de Palantir représentaient 61 % de son chiffre, tandis que les frais généraux et administratifs, à hauteur de 321 millions de dollars, en représentaient 44 %.
Après 17 ans d’existence, Palantir n’a toujours pas trouvé comment faire des bénéfices. Ses dirigeants vont-ils s’améliorer maintenant que ses actions sont cotées en bourse ?
Une structure peu favorable aux investissements
Investir dans les actions de Palantir, c’est se réjouir que ses trois cofondateurs (l’investisseur Peter Thiel, le PDG Alex Karp et le président Stephen Cohen) aient pu obtenir plus de contrôle en vendant leurs actions. The Journal note par exemple que Palantir possède « l’une des structures de gouvernance les plus agressives jamais vues ».
Comme le rapport le média : « Grâce à une caractéristique unique de la structure de vote [de Palantir], Stephen Cohen pourrait par exemple contrôler efficacement la société en ne détenant qu’une infime partie des actions ». The Journal fait remarquer que Palantir limite par ailleurs la quantité d’actions que les actionnaires existants peuvent vendre à 20 % jusqu’au début de 2021.
Cela pourrait être une mauvaise nouvelle pour les investisseurs déjà préoccupés. Selon BusinessInsider, la représentante des États-Unis Alexandria Ocasio-Cortez a demandé à la U.S. Securities and Exchange Commission d’enquêter sur les pratiques de divulgation de Palantir.
Elle s’inquiète du fait qu’en 2009, le rapport des actionnaires de Palantir a révélé que la branche de la CIA chargée du capital risque (appelée In-Q-Tel) détenait 10 % de Palantir. Toutefois, elle note que le formulaire S-1 (un document à remplir auprès de la U.S. Securities and Exchange Commission par les entreprises qui prévoient d’entrer en bourse) « ne dit pas si cet investissement est toujours actuel ou combien d’actions Palantir In-Q-Tel détient ».
Alexandria Ocasio-Cortez a également partagé ses préoccupations concernant les contrats de Palantir avec des gouvernements étrangers, dont certains (y compris le Qatar) sont « célèbres pour leurs pratiques de corruption et leurs violations des droits de l’homme », rapporte BusinessInsider.
Enfin, la représentante démocrate a évoqué « un manque de transparence concernant le membre du conseil d’administration de Palantir, Alexander Moore [un membre du comité d’audit de Palantir] et la surveillance de la gouvernance d’entreprise au sujet d’un prêt personnel de 25,9 millions de dollars accordé à Stephen Cohen »
En effet, le formulaire S-1 de Palantir fait état d’un comité spécial de rémunération de son conseil d’administration (dont fait partie Alexander Moore) qui a « approuvé un accord de remboursement de prêt et de renonciation limitée » d’un prêt de 25,9 millions de dollars accordé à son président le 10 novembre 2016 et qui n’avait pas été remboursé au 6 août 2020. L’accord a réglé la majeure partie de la dette de ce dernier en échange de 3,5 millions de ses actions de classe B.
Ceci soulève de nombreuses questions : à quoi le prêt accordé à Stephen Cohen a-t-il servi ? Pourquoi le conseil d’administration de Palantir a-t-il décidé qu’il serait avantageux pour les actionnaires de lui prêter cet argent ? Pourquoi Stephen Cohen n’avait-il remboursé aucune partie du prêt près de quatre ans plus tard ? Pourquoi était-il dans l’intérêt des actionnaires de Palantir d’accepter certaines des actions de classe B de Stephen Cohen comme remboursement plutôt que des espèces ?
Palantir, qui a déplacé son siège de Palo Alto à Denver, a conclu de cette affaire que la Silicon Valley ne respectait pas suffisamment sa mission.
Comme le PDG Alex Karp l’a écrit dans le formulaire S-1 de Palantir : « Les projets de logiciels avec des agences de défense et de renseignement de notre nation, dont les missions sont d’assurer notre sécurité, sont aujourd’hui controversés, alors que les entreprises construites sur des fonds publicitaires sont monnaie courante »
Si les dirigeants de Palantir sont en mesure d’atteindre une croissance plus rapide que prévu dans les prochaines années, le moment est alors venu d’investir dans ses actions. Mais si l’entreprise ne se développe pas plus rapidement et continue à brûler ses liquidités, la cotation directe de Palantir s’avérera plus avantageuse pour ses initiés que pour le public investisseur.
Article traduit de Yalayolo Magazine US – Auteur : Peter Cohan
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