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Pour les Anglo-saxons, peu de crimes dépassent le fait de mentir ou de cacher une vérité au public. De façon naturelle, cette pression pèse notamment sur les entreprises, poussées à toujours plus de transparence dans leurs relations avec leurs actionnaires, les marchés mais également avec leurs consommateurs.
Ce phénomène profondément ancré franchit une étape nouvelle avec l’action collective intentée par une étudiante australienne qui accuse le gouvernement et le Trésor public australiens de ne pas avoir divulgué les risques financiers que fait peser le changement climatique sur ceux qui investissent dans des obligations d’Etat et d’avoir ainsi manqué à leur devoir au titre de la transparence financière qui s’impose aux émetteurs de titres.
La philosophie de la plainte est simple : tout risque pesant sur la croissance économique du pays et la valeur de sa monnaie, pour ne citer que quelques variables les plus évidentes, serait de nature à modifier la valeur du titre souverain et donc de l’investissement de son détenteur. Il convient de relever, fait rare dans ces systèmes judiciaires, que la plaignante ne réclame pas de dommage et intérêts, mais uniquement qu’injonction soit faite au gouvernement de cesser de commercialiser des obligations tant que ce supplément d’information ne sera pas divulgué, signant par là même un acte d’activisme pur.
Si ce n’est pas la première fois que des citoyens accusent leur Etat de négligence dans la gestion de la crise climatique, le monde de l’investissement jusque-là préservé d’une forme de militantisme environnemental risque de voir se multiplier les attentes ainsi que les procédures dans ce sens.
Du côté institutionnel, certaines banques centrales ont déjà commencé à agir. En 2019, la Banque centrale suédoise a annoncé qu’elle abandonnait les obligations d’Etat de l’Australie occidentale et du Queensland, notamment parce que les émissions de gaz à effet de serre y étaient trop élevées. Le sous-gouverneur en avait alors profité pour y joindre un arrêt des investissements dans les actifs provenant d’émetteurs ayant une empreinte climatique trop importante, même en présence de rendements élevés, citant notamment la province canadienne de l’Alberta.
Nous commençons tout juste à prendre la pleine mesure de l’immensité du coût généré pour les économies du changement climatique. Le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney, a mis en lumière la puissance et l’urgence du sujet climatique en septembre. Déclarant que le secteur financier devait transformer sa gestion du risque, il avertissait que le réchauffement climatique entraînerait une réévaluation de la valeur de chaque actif financier présent sur le marché.
En d’autres termes, les émetteurs privés seraient en situation de surévaluation massive de leur valorisation financière.
La pandémie mondiale nous donne une occasion rare de réformer nos investissements afin, notamment, de préserver nos relations actionnariales d’un risque supplémentaire. Il s’agit, évidemment et en premier lieu, de procéder à une relance économique à travers les entreprises qui promeuvent des productions moins « carbonées » et réduire progressivement la voilure accordée à celles qui participent malgré elles le plus à l’aggravation de ces risques. Il s’agit, d’un point de vue financier, de raisonner à coûts complets en intégrant au prix d’un actif l’ensemble des externalités qu’il sous-tend : celle, positive de la création de valeur et celle, négative, du « prix environnemental de production ».
Pour autant, la ligne de crête est étroite entre la prise en compte de cette urgence climatique qu’aucun acteur tant politique qu’économique ne saurait désormais ignorer, et la contrainte forte, notamment sociale, pour les entreprises et les gouvernements d’accompagner l’économie dite « marron » sur la voie de la transformation énergétique dans un environnement remarquablement compétitif.
La politique française de soutien à l’industrie aéronautique illustre parfaitement cette double injonction faite par l’Etat. « La crise ne doit en effet pas mettre en péril le savoir-faire de cette industrie d’excellence ni obérer ses capacités de rebond et d’innovation, d’autant que la continuité de la progression technologique constitue le cœur de ses succès. »
L’octroi d’une aide publique de plus de 15 milliards d’euros d’aide à une filière en grande difficulté du fait de la pandémie est ainsi accompagnée de la condition d’allocation de 1,5 milliard d’euros sur les trois prochaines années à la R&D et à l’innovation du secteur, avec pour objectif de faire de la France l’un des pays les plus avancés dans les technologies de « l’avion propre », de préparer la prochaine rupture technologique, « en continuant à travailler sur la réduction de la consommation en carburant, l’électrification des appareils et la transition vers des carburants neutres en carbone comme l’hydrogène ».
Bref, un chèque en contrepartie de la décarbonation à terme de la flotte.
Alors que les citoyens sont de plus en plus sensibilisés à la question écologique, le facteur green est appelé à prendre de plus en plus de poids dans les comportements des actionnaires, aussi bien à l’achat qu’à la vente.
Les émetteurs doivent se saisir de toute urgence de ce sujet nouveau qu’est la transparence environnementale.
Certains le font ou le feront « spontanément », parce qu’ils sont convaincus de la cause ou parce que la lutte contre le changement climatique est au cœur de leur objet social. D’autres le feront sous la contrainte, notamment des actionnaires activistes qui y verront un nouveau levier d’influence sur l’entreprise mais aussi de communication, exigeant notamment de la gouvernance des entreprises qu’elle communique sur la manière dont elle prend en compte et traite ce risque majeur.
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