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C’est une antienne que l’on entend depuis deux ans maintenant : les tiers-lieux sont des acteurs-clés du développement du territoire. Dès 2018, espaces de coworking, fablabs et makerspaces bénéficiaient de l’appui du gouvernement, via le rapport d’une mission dédiée, qui préconisait alors la création de 300 « fabriques des territoires » destinées à combler le manque de structures adaptées dans certaines régions. Le rapport chiffrait alors à 60 millions d’euros sur trois ans les besoins du projet, les deux tiers de la somme devant financer les fameuses fabriques.
Un an plus tard, en juin 2019, le gouvernement dévoilait son programme Nouveaux Lieux, Nouveaux liens, doté d’une enveloppe un peu plus restreinte que celle réclamée par le rapporteur de la mission : 45 millions d’euros. « Ces lieux représentent un véritable potentiel de reconquête économique. Ils épousent les évolutions les plus récentes de notre société, comme la transition écologique, le numérique, le travail indépendant et les nouvelles activités », avaient alors souligné Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires, et Julien Denormandie, ministre délégué chargé de la Ville et du Logement.
Il a encore fallu attendre quelques mois, jusqu’à début février, pour que les premières labellisations de fabriques des territoires soient annoncées. 80 tiers-lieux ont déjà bénéficié de la mesure, le gouvernement s’étant engagé à en labelliser 300 au total, pour structurer le maillage créé par les 1800 structures existantes. À la clé pour celles-ci, des aides substantielles de 75 000 à 150 000 euros chacune, sur trois ans.
Les tiers-lieux, fer de lance de la nouvelle décentralisation ?
C’est une petite phrase qui a fait grand bruit lors de la dernière allocution présidentielle : « Tout ne doit pas être décidé si souvent à Paris », a ainsi lancé Emmanuel Macron, préfigurant une nouvelle vague de décentralisation. Il faut dire que le pouvoir a été ébranlé par la contestation des Gilets Jaunes, qui avait violemment révélé la déconnexion des élites politiques avec les territoires. La crise liée au coronavirus n’a rien arrangé et l’exécutif est désormais persuadé que, plutôt que de poursuivre la stratégie du ruissellement depuis Paris, la réponse doit au contraire prendre ses racines en région.
Un nouveau rapport, publié ce lundi par France Tiers-Lieux, l’association de préfiguration de la labellisation des tiers-lieux créée l’année dernière, souligne ainsi le rôle déterminant que ces structures ont à jouer dans la relance. L’association a ainsi proposé au gouvernement de soutenir 500 manufactures de proximité, distinctes des fabriques de territoire. « Les manufactures de proximité, inspirées de lieux existants, sont de petites unités de production locales en mesure de répondre aux enjeux prioritaires révélés par la crise » , estime le rapport. Les tiers-lieux sont ainsi devenus la réponse naturelle au manque flagrant de moyens locaux de production révélé par la crise liée au coronavirus. Et c’est en faisant la preuve de leur concept que les tiers-lieux ont gagné leurs galons : le rapport souligne ainsi que 90% des structures ont mis en place des actions de solidarité pendant la crise, notamment dans les territoires les plus reculés, fournissant du matériel médical aux soignants, assurant la continuité pédagogique ou faisant le lien avec les personnes les plus isolées.
Des missions cruciales mais très diverses
Une nouvelle mission qui s’ajoute à la liste à la Prévert, constituée au fur et à mesure des défis que les conflits sociaux ou crises ont posé au gouvernement. Les tiers-lieux doivent ainsi porter non seulement la relance de l’activité économique dans les régions mais aussi permettre de développer le télétravail dans les espaces de coworking partout sur le territoire, tout comme la formation professionnelle et l’apprentissage dans des conditions privilégiées, avec le soutien d’outils numériques et/ou technologiques.
« À l’évidence, les tiers-lieux sont aujourd’hui un ressort de l’engagement citoyen et une réponse, concrète, pragmatique et opérationnelle, pour concrétiser nos ambitions en matière de transition écologique, de recyclage, de formation, d’enseignement et de découverte des métiers, d’accès au numérique, de relocalisation de production ou encore de lien social, s’enthousiasme la ministre Jacqueline Gourault. C’est l’occasion de réfléchir, ensemble, à la manière dont les tiers-lieux pourraient s’inscrire dans ce qu’il est désormais convenu d’appeler le monde d’après. »
Reste que pour remplir l’ensemble de leurs missions, les tiers-lieux vont devoir d’abord passer par une phase de structuration financière. En effet, la crise a menacé la grande majorité des structures, dont les modèles économiques restent fragiles. France Tiers-Lieux précise ainsi que 80% des tiers-lieux se disent en danger à court ou moyen terme, « avec des pertes de chiffre d’affaires évaluées à 111,5 millions cumulées sur l’ensemble des lieux » . Il y a donc fort à parier qu’avant de récolter les fruits de cette nouvelle politique de décentralisation, l’État va d’abord devoir (re)mettre la main au portefeuille pour soutenir ces structures privées en mal de fonds.
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