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Le contexte dans lequel nous évoluons actuellement est sans précédent : l’incertitude n’a jamais été aussi élevée et nos capacités décisionnelles rarement mises autant à rude épreuve… Cette inertie est liée à un modèle d’organisation très bureaucratique. En effet, le manager ou l’ingénieur français aura tendance à établir un plan très minutieux, le peaufiner et ensuite le mettre en application. Si celui-ci échoue, le temps et l’énergie dépensés n’auront servi à rien.
En réalité, pour briser les polarisations, la France a besoin d’éclaireurs.
Pour orienter ses choix, un décideur a besoin de comprendre le mieux possible les conséquences des différentes options qui se présentent à lui. Pour The Atlantic, la pensée scientifique, partie intégrante de Angela Merkel docteur en chimie, explique en partie les succès remportés par l’Allemagne face à la pandémie. Il faut prendre en compte toutes les causes en cascade, qui sont plus complexes, mais aussi plus proches de la réalité. Quand le chercheur éclaire le débat public, le politique peut décider. C’est cette fertilisation qui renforce la confiance. Le partage des données scientifiques, le développement et la promotion de l’expertise scientifiques représentent autant de moyens pour mettre à jour le logiciel de la France dans un environnement international extrêmement concurrentiel.
Nous devons nous remettre à penser à plus long terme
Nous l’avons vu avec la gestion des masques en France, les petites économies du présent font les grandes catastrophes de demain. La plupart des décideurs (politiques et entreprises) raisonnent avec des paramètres et un espace temps biaisés par rapport à l’intérêt commun et aux enjeux de développement durable. Promouvoir la culture scientifique permettrait de promouvoir des projets à plus long terme et d’envisager des solutions nouvelles pour résoudre les défis qui s’imposent à nous et de faire reculer les « pseudo-vérités » médiatiques ou populistes. L’impact du réchauffement climatique, l’impact des phytosanitaires sur la santé humaine, le mix énergétique, les migrations de populations, les relations entre les écosystèmes, l’acceptabilité des transformations sociétales… entre un espace contraint et des ressources limitées la France est à la croisée des chemins. Des pays comme la Corée du Sud ou la Chine ont décidé d’investir massivement dans la recherche à une époque où ils étaient encore des pays très pauvres. Aujourd’hui, ces pays sont devenus leader dans un certain nombre de domaines comme l’électronique et les télécommunications. Si dans le domaine de la recherche la France est certainement mieux lotie que d’autres pays, il nous manque cependant une volonté politique pour diffuser la science dans la société.
Faire collaborer chercheurs et décideurs
Comment expliquer le fossé qui demeure entre décideurs et chercheurs ? Si les sciences restent si peu employées, c’est d’abord parce qu’elles sont peu présentes dans les administrations et qu’une certaine méconnaissance de leur utilité perdure. Alors qu’il ne viendrait à personne l’idée de prescrire et développer des médicaments sans solliciter les professionnels de la santé, les décideurs publics auraient tout intérêt à s’appuyer davantage sur l’expertise scientifique notamment en matière de comportements comme le souligne Coralie Chevallier, chercheuse à l’Inserm et à l‘École normale supérieure. « Nous sommes trop optimistes quant au pouvoir de l’information seule pour changer les comportements. Souvent, elle ne suffit pas si l’on ne prend pas aussi en compte le fonctionnement de la psychologie humaine. » Des messages mieux travaillés auraient par exemple pu permettre de prévenir les sorties nombreuses constatées le week-end ayant précédé le confinement sur les quais et dans les bois parisiens notamment. Si ces approches avaient été utilisées dès le début de la crise, l’adaptation à celle-ci aurait peut-être été plus pertinente. En effet, en l’absence de vaccin, la manière dont les pouvoirs publics peuvent orienter les comportements des citoyens et citoyennes est décisive notamment dans l’application des gestes barrières ou pour comprendre les comportements qui peuvent être associés.
La place de la recherche dans une société post-covid
Dans la fonction publique d’État, les décideurs sont principalement issus des grands écoles et non des universités. Or ces formations ne jugent souvent pas nécessaire de faire de la recherche. Pour Cynthia Fleury « il va falloir faire monter au pouvoir une force d’action citoyenne et durable. Mais nos dirigeants ont une matrice intellectuelle qui n’est pas celle-ci ». En effet, les grands corps d’État sont formés à penser sur un monde certain et n’ont pas pour habitude de gérer l’incertitude radicale. Face à cette dernière, ils s’en remettent systématiquement aux scripts appris pendant leur formation sur les bancs de l’ENA.
Pour décrypter un monde de plus en plus complexe, nous devons d’une part, encourager les chercheurs à s’adresser aux professionnels qu’ils soient dans des entreprises, des collectivités ou des administrations, et d’autre part accompagner les professionnels à se projeter dans une méthodologie, une réflexivité et une prise de distance prospective. Le défi actuel est de construire des plateformes de mise en relation entre ces deux parties. Dans ce monde atomisé, de nombreux acteurs comme l’Institut Sapiens, Okay Doc, France Stratégie, Yalayolo Magazine ou bien encore The Conversation s’attachent à casser les silos et à reconnecter toutes les intelligences en développant des interventions transdisciplinaires. Les scientifiques ne sont pas là pour décider, c’est aux chefs d’entreprises et aux décideurs politiques de le faire mais en connaissance de cause.
La crise actuelle oblige les générations présentes à réinventer de fond en comble nos modes de vie et de production mais aussi à interroger l’efficience de notre État Providence. Dès à présent nous devons repenser notre modèle de société et repenser la création de richesses sans détruire la planète et la biodiversité dont nous avons tant besoin. Dès lors qu’il ne s’agit pas de relancer le système à l’identique, un devoir d’imagination s’impose à tous. Si la science n’est pas là pour décrire le présent, elle s’appuie sur les connaissances passées pour anticiper le futur et peut permettre aux décideurs d’anticiper tous les scénarios. Ce n’est qu’à cette condition que nous pourront prendre les meilleures décisions possibles.
Yann-Maël Larher est avocat et cofondateur d’OkayDoc
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