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“Violente, globale et durable”, voilà comment s’annonce la crise économique que l’on est en train de subir. Ces termes, choisis soigneusement par le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, lundi dernier, illustrent bien le flou et la complexité dans lesquelles les entreprises françaises et mondiales se trouvent aujourd’hui. La fin du confinement ne marquera qu’une étape dans cette lutte contre le coronavirus. Les entreprises commencent à en prendre conscience.
Les entreprises commencent à envisager leur rebond
Le BCG Henderson Institute Analysis et la BCG Covid Company Survey mènent, chaque semaine, une étude auprès de 274 entreprises dans 46 pays pour analyser leur gestion de la crise.
Si les semaines se suivent, elles ne se ressemblent pas, puisque les entreprises répondantes sont désormais plus de la moitié à estimer que la crise durera plus de 6 mois contre seulement 27 % début mars. Elles prennent, petit à petit, la mesure et “l’ampleur” de la crise dont parlait si bien le ministre de l’Économie en début de semaine.
Malgré leur prise de conscience, la majorité d’entre elles concentrent encore leurs ressources sur la santé de leurs salarié·e·s et la mise en place d’une organisation de télétravail fonctionnelle. Ainsi 90% d’entre elles ont annulé les réunions qui n’étaient pas urgentes, 84% ont mis en place des modalités de télétravail et 73% ont modifié leur politique de santé pour protéger davantage leurs collaborateurs et collaboratrices.
A contrario, elles semblent encore engluées dans l’incertitude concernant les stratégies à mettre en oeuvre. Ainsi, à peine plus de la moitié (56%) ont mis en place des actions pour rebondir. Néanmoins, en comparaison à la semaine dernière où ce chiffre atteignait péniblement les 37%, la tendance est plutôt encourageante.
Mais l’inquiétude arrive concernant l’inévitable question de la récession puisque 92% des entreprises interrogées estiment qu’elles y seront confrontées. Un tiers d’entre elles expliquent même qu’elles manqueront de liquidité sous trois mois seulement.
Les startups, un avenir en dents de scie ?
“Il y a encore beaucoup d’argent de disponible. Les institutionnels et les privés vont chercher à investir dans des véhicules non cotés avec des rendements qui ne soient pas nuls” , estime Pascal Cotte, senior partner chez Boston Consulting Group. Et les startups pourraient bien en profiter. C’est en tout cas l’avis de Gwenhaël Le Boulay, directeur associé au bureau de Paris du Boston Consulting Group. Selon lui, “les investisseurs vont se retirer de toute une série de classe d’actifs et vont chercher des alternatives comme les startups. À moyen terme, celles-ci pourraient donc retrouver un peu de liquidité même si le secteur est marqué par une certaine fragilité” . Les entreprises technologiques qui faciliteront le passage au numérique des entreprises pourraient particulièrement bénéficier d’un rebond à la suite du confinement.
Pascal Cotte est plus prudent. Pour lui, les investissements se poursuivront mais avec prudence. “Déjà avant la crise, ils attendaient davantage de rigueur dans la gestion des startups et privilégiaient des croissances moins rapides mais des modèles plus solides” . Le modèle de la startup qui brûlait beaucoup de cash pour se développer sans penser à sa rentabilité risque d’être écorné par la crise.
Et malgré cette vision plutôt positive de l’investissement dans les jeunes pousses françaises, de nombreuses startups ne verront pas la fin de la crise. “On devrait observer un taux de mortalité plus élevé que la moyenne car elles ont souvent une faible trésorerie” , poursuit l’expert. Au-delà de cette première vision, l’observatoire économique du Covid-19 scrute, chaque semaine, la situation chinoise pour tenter d’en tirer quelques enseignements.
La Chine prise entre deux feux
Premier pays touché, la Chine est aussi le premier à entamer son “déconfinement” . Il apparaît désormais comme un phare dans la nuit que représente la crise économique du Covid-19.
À première vue, les chiffres sont plutôt positifs. “Le 19 mars dernier, 73% des restaurants avaient rouverts, 99% des supermarchés et 99% des entreprises” , indique François Candelon, Senior partner chez BCG. Du côté de la consommation, les données sont également encourageantes. Le pays enregistre 85% de la consommation de charbon, 50% des passagers dans le métro et 90% des transactions immobilières par rapport à la même semaine l’an dernier.
Malgré cette vision encourageante, “l’activité reste encore très marquée par le manque de confiance dans les interactions face à face” , souligne François Candelon. Des règles très strictes de prise de température et d’espace entre les individus sont mises en place et respectées. “Il n’y a plus d’air conditionné dans les magasins, la température est prise dans tous les lieux publics, les livraisons donnent lieu à des tracking précis des cuisiniers et des livreurs, dans les restaurants, l’espacement est de rigueur” , poursuit l’expert. Les applications mobiles ne suffisent pas, la bonne santé doit être visible.
Les citoyens chinois restent conscients du travail restant à faire dans le pays. Seulement 38% d’entre eux estiment que le pire est derrière eux contre 4% pour les ressortissants européens.
Le numérique, grand gagnant de cette crise
93% des chinois disent avoir changé leur style de vie et préfèrent désormais éviter les espaces publics. Des changements assez structurels ont commencé à se mettre en place “et se poursuivront au cours des douze prochains mois” , estime François Candelon. Le même constat commence à apparaître sur le territoire français. Le drive et la livraison à domicile ont flambé au cours des trois dernières semaines, sans parler de la téléconsultation dont les chiffres peinaient à décoller avant l’épidémie. Le secteur de l’e-learning est aussi tiré vers le haut de même que celui des applications et logiciels de télétravail.
En Chine, le constat va plus loin. Par peur de tomber malade en sortant de chez eux, les habitants préfèrent consommer à distance. Les entreprises l’ont bien compris et commencent déjà à changer leur stratégie pour répondre aux nouveaux besoins de leurs clients. Des galeries marchandes recourent désormais au live streaming pour vendre. L’une d’entre elles, très connue dans le pays, “a accueilli autant de visiteurs en trois heures sur sa plateforme qu’en un mois auparavant. Même les concessionnaires utilisent ce biais pour vendre leurs voitures” , précise François Candelon.
« Nous entrons dans une phase d’arrêt sur image«
Les entreprises et le travail n’échapperont pas à cette digitalisation. “Si aujourd’hui, une certaine baisse de la productivité est à noter, elle doit surtout être imputée à la crise plus qu’au télétravail lui-même” , estime François Candelon. Sans compter que plusieurs salariés doivent jongler entre gestion des enfants et travail. “Les nouvelles technologies de travail à distance ne sont pas tout à fait maîtrisées non plus” , concède François Candelon qui reconnaît que les “rifts de pénétration sont plus ou moins lents” .
Plus globalement, c’est notre manière entière de travailler qui va être remise en question. “Nous entrons dans une phase d’arrêt sur image durant laquelle les directions générales et les salariés demanderont à apprendre différemment et à revoir les modes de travail” . Il s’agira d’un sujet de premier ordre au sortir de la crise. “Nous verrons peut-être arriver des cellules indépendantes avec beaucoup moins de reporting, une gestion en mode crise sans structure hiérarchique traditionnelle” .
Dans tous les cas, “un phénomène d’accélération forcée de la digitalisation devrait intervenir à la sortie de la crise, celle-ci ne doit surtout pas s’arrêter” .
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