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Face à la profusion d’incubateurs et d’accélérateurs, je me suis, dans un premier temps, interrogée sur la façon dont les entrepreneur·e·s sélectionnaient leurs structures d’accompagnement. Une fois les points de vigilance identifiés, il me paraissait pertinent de prendre le problème dans l’autre sens en s’intéressant aux leviers que les structures allaient activer dans les années à venir pour se distinguer les unes des autres. Quelles actions vont être mises en place pour séduire et répondre aux besoins des entrepreneur·e·s toujours plus opportunistes et sélectif·ve·s ? Si la survie des structures d’accompagnement répond à un mécanisme darwinien qui les oblige à s’adapter à leur environnement pour survivre, il est intéressant d’analyser comment ces initiatives vont redessiner le paysage de l’accompagnement entrepreneurial.
L’enjeu est alors ici d’imaginer ce à quoi vont ressembler les incubateurs/accélérateurs de demain. Ceux qui auront survécu. Ceux qui auront compris que pour perdurer, il est essentiel d’adapter son offre dans un seul sens : être réellement utile aux entrepreneur·e·s.
Les acteurs de l’écosystème que j’ai interrogés sont tous d’accord sur un point : les structures d’accompagnement vont être amenées à se réinventer. Comment ? Les échanges que j’ai eus m’ont permis d’identifier quatre points clés qui dessineront le contour de l’offre d’accompagnement entrepreneurial de demain : la spécialisation sectorielle, la promesse (tenue) d’un accompagnement hyper personnalisé, l’accès accéléré à un réseau stratégique (notamment financier) et la capacité à mener un sourcing intelligent très « early-stage ».
La structure d’accompagnement de demain sera spécialisée…
Pour se démarquer et gagner la confiance des entrepreneur·e·s, les structures d’accompagnement sont incitées à se positionner sur des thématiques précises. Repenser son modèle passerait donc dans un premier temps par une spécialisation accrue. C’est du moins ce que pense Adrien Coussa, fondateur de l’entreprise abraxio : « La structure doit avant tout avoir un positionnement fort. On ne peut pas adresser et accompagner de la même manière une start-up B2B produisant une suite logiciel SaaS à direction des PME et une startup développant une innovation de rupture dans la chimie », argue-t-il.
Pourtant, d’après une étude du Cabinet Roland Berger, en 2016, seule une structure sur deux (54%) était dédiée à un secteur en particulier et deux tiers ne se concentraient sur aucune technologie spécifique. Un tel recentrage du spectre apparait pourtant aux yeux des entrepreneur·e·s comme la garantie d’une position forte dans l’écosystème et d’un réseau de qualité. « Le positionnement doit être clair pour attirer les entrepreneurs mais aussi acquérir la visibilité et l’image suffisante auprès des investisseurs », détaille Adrien Coussa.
Morgan Schleidt, fondateur de la startup Hetchr (ex Reward Vision) complète ce point de vue : « Pour faire la différence il faut mouiller sa chemise. Se contenter de distribuer des « Y’a qu’à, faut qu’on » nuit à la légitimité de la structure. Il n’y a rien de pire que de s’entendre dire ce que l’on doit faire par une personne qui ne l’a pas fait une seule fois auparavant ou qui ne maîtrise pas les enjeux du secteur. C’est pourquoi, j’attache beaucoup d’importance à l’expertise. Qui émane, selon moi, de la spécialisation », confie Morgan Schleidt.
Fournira un accompagnement sur-mesure régulier
Troisième exigence que les entrepreneurs partagent : bénéficier d’un accompagnement personnalisé et régulier. « Nous avons besoin de savoir que nos intérêts et nos besoins sont pris en compte de manière individuelle », avoue Anne-Laure Plessier, fondatrice de la startup Cocoom. Benoit de Angelis complète cette idée : « Pour bien suivre les projets sur leur prototype et la validation de leur product-market fit, un accompagnement personnalisé est essentiel. Cela passe notamment par des rendez-vous mensuel ou trimestriel avec chaque fondateur pour faire le point sur ses perspectives. »
Cet accompagnement à la carte passe également par la personnalisation des mises en relation. « Les programmes identiques pour tout le monde ne fonctionnent plus. Il est impossible de délivrer un accompagnement de qualité sans prendre en considération les phases de développement et de maturité différentes selon les startups », analyse Cédric Nieutin, le directeur du B612, HUB d’accompagnement de startups Tech qui prône une vision artisanale de l’accompagnement entrepreneurial. « Le B612 n’a jamais fonctionné « en promo » . Nous n’imposons aucun programme mais proposons aux startups des services sur-mesure, à l’instar des one-to-one que nous organisons depuis un an à Lyon et Grenoble. Ces moments privilégiés permettent aux entrepreneurs d’exposer en tout intimité leurs enjeux et de bénéficier d’un regard avisé et bienveillant de la part d’experts métiers ».
Raddouane Ouama, le directeur de projet entrepreneuriat à La Métropole de Lyon a bien saisi ce nouveau paradigme qui répond à une logique d’accompagnement moins linéaire : « Le nouveau modèle de la communauté LYVE des entrepreneurs lyonnais répond aux exigences actuelles des entrepreneurs : plus opportunistes, ils consomment les solutions d’accompagnement à la carte. L’idée est donc de les suivre à différents stades de développement de leur entreprise afin d’assurer leur pérennité. Nous ne courons plus derrière le seul KPI du nombre de créations d’entreprises », explique-t-il.
Comprendre que les entrepreneur·e·s agissent aujourd’hui dans une dynamique « pick and choose » est essentiel pour proposer une offre de service adaptée, sans amertume aucune. « Les startups ne sont pas notre propriété. Il faut accepter que les entrepreneurs soient là pour prendre de l’argent, des contacts, de l’expérience puis qu’ensuite ils s’envolent », constate Sylvain Brissot, directeur adjoint du B612.
Donnera l’accès à un réseau super puissant et l’humain au cœur de tout
Pour se distinguer, les incubateurs soignent également leur proximité avec les laboratoires de recherche et les investisseurs potentiels. Ils nouent parfois des partenariats industriels et commerciaux, mettent en avant les références des startups qu’ils ont accompagnées et les levées de fonds réussies. Bref, la question du réseau est centrale.
« Un bon entrepreneur doit être ambitieux mais aussi humble. Il doit avoir conscience de ne pas réunir toutes les compétences nécessaires pour faire avancer son projet. Le succès entrepreneurial repose aussi sur sa capacité à mobiliser les bons réseaux pour bénéficier d’expériences et de conseils » expliquait Raddouane Ouama, le directeur de projet entrepreneuriat à La Métropole de Lyon, lors d’une conférence au Salon des Entrepreneurs en juin 2019. Et c’est bien en répondant présent sur ce point que les structures d’accompagnement tireront leur épingle du jeu. Il est essentiel de proposer aux entrepreneur·e·s des mises en relation rapides, stratégiques et personnalisées. Cela passe par exemple par des « sessions de mentorat lors desquels des entrepreneurs aguerris racontent leur histoire et partagent leurs expériences autour de réalités concrètes », détaille Raddouane Ouama.
La capacité de la structure à animer ses relations avec les startups accompagnées est également un point clé de différenciation, selon Adrien Coussa, fondateur de la startup abraxio : « Les startups incubées sont les meilleurs ambassadrices. L’incubateur doit mettre en lumière ses incubés, passés et présents, et les valoriser dans l’écosystème en leur donnant de la visibilité ». La notoriété des startups nourrit en effet celle de la structure d’accompagnement. Parvenir à réciproquement alimenter sa reconnaissance au sein de l’écosystème est une stratégie gagnante/gagnante que les structures doivent orchestrer.
L’importance du réseau s’incarne également par la qualité et l’implication de l’équipe d’animation et des mentors mis à disposition des entrepreneur·e·s. Pour Morgan Schleidt, c’est même le point central « Humain, humain, humain ! Le plus gros danger du pullulement de structures d’accompagnement est le risque de créer des endroits froids ou rien ne se crée et où aucune synergie n’existe. Un incubateur doit être un endroit où l’on se sent comme chez soi et où l’on y côtoie des personnes avec qui l’on souhaite partager des choses ! », s’enthousiasme le dirigeant.
Proposera des solutions de financement
La structure d’accompagnement de demain facilitera l’accès aux financements privés et publics. La recherche de financement est un enjeu clé pour les dirigeants. « Les startups ont besoin de deux choses : d’argent et d’accéder à de nouveaux marchés » statue Cédric Nieutin. « Il est souvent plus difficile de trouver des fonds lors des premiers tours d’investissement que lors d’une série A ou B. Notre rôle est donc fondamental sur ce sujet : chaque jour nous mobilisons notre réseau de VC, de BA et de structures locales pour les impliquer dans les choix d’investissement des startups », poursuit le directeur du B612 qui possède justement un véhicule d’investissement, baptisé B612 Participation. Une quinzaine de prises participation dans les startups accompagnées par Le B612 ont été réalisées, avec un ticket moyen d’investissement de 140 000 euros.
Benoit de Angelis, étudiant et fondateur de la startup Augmented Advize, évoque, de son côté, les avantages liés à l’ouverture du véhicule d’investissement aux alumnis. Selon lui, une structure d’accompagnement doit rester en contact avec ses alumnis, pour leurs compétences, leur réseau mais aussi leur cash. « Au-delà des mises en relation, il convient d’ouvrir le fonds d’investissement aux alumnis. L’argent créé indirectement par l’incubateur, via les levées de fonds, est alors réinjecté dans le fonds et lui permet de financer sa montée en puissance afin de suivre les startups sur des rounds de seed extension, de serie A puis de serie B. »
Ces enjeux de financement sont d’autant plus cruciaux pour les startups DeepTech, qui ont souvent besoin d’argent dès le départ et qui contactent les investisseurs avant même de pouvoir leur présenter un prototype. Ces derniers n’ont alors que peu d’indicateurs de performance dont ils peuvent se servir pour évaluer le potentiel de commercialisation de la technologie en question. « Une bonne structure d’accompagnement se définit aussi par sa capacité à éduquer les investisseurs aux problématiques DeepTech afin de leur faire comprendre la nécessité d’accorder du temps et des moyens aux startups DeepTech pour qu’elles surmontent les barrières à l’entrée technologiques », analyse Morgan Schleidt bien au fait de ces questions du fait du caractère technologique de son entreprise Hetchr.
Les startups DeepTech possèdent en effet un avantage concurrentiel fort du fait du caractère unique et difficilement reproductible de leur technologie et de leur expertise. C’est un atout indéniable au démarrage du projet pour consolider la barrière à l’entrée, gagner du temps et confirmer l’intérêt du marché. « Mais c’est surtout un atout pour délimiter des espaces de marché « Océan bleu » fort attractifs pour les investisseurs » conclut Cédric Nieutin.
Mènera un sourcing très « early-stage »
Benoit de Angelis développe une théorie très intéressante. Il considère que pour exister sur le long terme, une structure d’accompagnement doit détecter très tôt ses futures pépites sans attendre les concours de pitch médiatisés. « La structure d’accompagnement doit mettre en place une stratégie mêlant content marketing, déplacement lors de conférences, partenariats avec des entreprises ou des écoles/universités afin d’identifier les projets et les profils de qualité très en amont. L’idée est d’être là, dès le début, pour accompagner la montée en puissance de l’entrepreneur et ainsi asseoir sa notoriété tout en nouant des relations privilégiées avec ces futurs dirigeants », explique-t-il avant de poursuivre « La structure peut aussi commercialiser des prestations auprès d’entreprises ou d’écoles afin de les aider à insuffler un véritable esprit entrepreneurial au sein de leurs établissements ». Tout un business, on vous a dit. Morgan Schleidt partage cette vision : « Demain, la capacité d’une structure à drainer des projets technologiques prospectifs lui permettra d’accentuer son degré d’innovation et donc de faire la différence. »
Vers une HUBérisation de l’accompagnement entrepreneurial ?
Ces échanges avec les acteurs clés de l’écosystème sont essentiels pour comprendre les nouvelles exigences des entrepreneur·e·s et les mesures à mettre en place pour les accompagner au mieux. « L’incubateur / accélérateur de demain ne sera pas sous cloche, il évoluera dans une logique de création de valeur partagée », explique Cédric Nieutin. L’avenir de l’accompagnement entrepreneurial semble donc appartenir à ceux qui sauront créer du lien entre les différentes communautés dans une logique de HUB et d’interconnexions bienveillantes avec les membres de l’écosystème dans le seul but d’accompagner les startups vers la réussite.
Pauline RAUD est en charge des stratégies de marque au sein du B612
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